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Déterminants de la fonction systolique 

La fonction myocardique systolique est déterminée par six facteurs principaux: la précharge, la postcharge, la contractilité, la fréquence, la synchronisation et l'apport d'oxygène. La performance de ces éléments est réglée par trois systèmes : le mécanisme de Frank-Starling, les catécholamines circulantes et l’innervation autonome sympathique et parasympathique.
 
La précharge
        
Le volume de remplissage télédiastolique du ventricule détermine le degré d'étirement des fibres musculaires avant leur contraction: c'est la précharge, ou tension de paroi ventriculaire en télédiastole. Le volume et la pression intracavitaire ne présentent pas une relation linéaire entre eux ; leur rapport est défini par la compliance de la chambre cardiaque. Pour le même volume, les pressions de remplissage varient selon l'élasticité de la cavité concernée, son volume et le degré de tension de sa paroi. La courbe de compliance est curvilinéaire: presqu'horizontale à bas volume de remplissage, elle se redresse en hypervolémie (voir Figure 5.76). De ce fait, la mesure statique de la pression auriculaire droite (PVC) ou gauche (PAPO) est un critère de remplissage très peu pertinent. 
 
Les déterminants de la précharge ventriculaire sont nombreux et pas tous mesurables en clinique: le volume circulant, la pression endothoracique, la pression intrapéricardique, la pression abdominale, la pression critique de fermeture de la veine cave inférieure, le tonus veineux central, le débit veineux périphérique (activité musculaire de pompe), la résistance veineuse, la contraction auriculaire et la position du corps.
 
Principe de Frank-Starling
 
La loi de Frank-Starling (Frank 1895, Starling 1918) illustre la relation qui existe entre l'étirement des fibres musculaires et leur performance contractile (relation force – longueur) : un muscle isolé se contracte d’autant plus puissamment qu’il est au préalable lesté d’un poids plus important. Pour le cœur, cette loi exprime le rapport entre la tension de paroi (volume ou pression télédiastoliques) et la performance systolique fournie : la force contractile du VG dépend directement de la tension des fibres myocardiaques en fin de diastole ; elle est donc proportionnelle au volume télédiastolique (VtdVG) (Figure 5.47). Cette relation force – longueur suit une pente de recrutement jusqu'à un plateau au-delà duquel il n'y a plus de modification : une augmentation de volume ne conduit plus qu'à une augmentation des pressions de remplissage, mais non à une amélioration de la performance systolique. A haut volume de remplissage, la courbe de Starling du cœur sain ne redescend pas au-delà du plateau, mais il peut arriver que la surcharge liquidienne occasionne une dilatation du VD et un empiètement du septum interventriculaire dans la cavité du VG ; le remplissage diastolique de ce dernier est alors freiné. En fait, le VG recule sur sa courbe normale puisque son Vtd réel diminue [18]. Le cœur normal fonctionne sur le dernier tiers de la partie ascendante de la courbe, ce qui lui offre une certaine réserve de précharge.


Figure 5.47 : Courbes de Frank-Starling du VG illustrant la relation entre la précharge (pression ou volume télédiastolique) et la performance systolique (débit cardiaque ou volume systolique). La courbe normale (en vert) présente une partie ascendante (phase de recrutement, pente accentuée) où les variations de la précharge (ΔP) modifient de manière importante le volume systolique (ΔVS) ; le genou de la courbe est suivi d’un plateau. Les flèches verticales indiquent le point auquel cesse le recrutement du volume systolique par l’augmentation de la précharge. En cas de dysfonction systolique (en rouge), la courbe est déplacée vers le bas et aplatie (les ΔVS / ΔP sont faibles), le genou est déplacé vers la droite, et la courbe redescend après son point d’inflexion (flèche verticale rouge) à cause de la dilatation ventriculaire. En cas de dysfonction diastolique (en bleu), la courbe est très verticale (le VS dépend fortement de la précharge) ; elle est déplacée vers la droite (pression de remplissage élevée). La courbe de Starling du VD (en pointillé) est très plate, ce qui signifie que le débit du VD normal ne dépend que très peu de la précharge.
 
Les sarcomères myocardiques opèrent normalement près de leur longueur maximale (2.2 μm): à 80% de celle-ci, ils ne développent encore que 10% de leur puissance [15]. L’activation contractile avec l’étirement des myofibrilles est le fruit d’une sensibilisation progressive des sarcomères au Ca2+, et non à une plus grande amplitude des variations de la [Ca2+]i comme c’est le cas lors d’une stimulation β, par exemple [5]. Le mécanisme principal est lié au fait qu’une fibre musculaire étirée devient plus fine ; les éléments des sarcomères disposés en parallèle sont ainsi rapprochés les uns des autres, ce qui facilite les interactions actine – myosine et augmente l’affinité de la TnC pour le Ca2+ [4,7]. De plus, le rapprochement des filaments d’actine et de myosine augmente la course de la translation lors de la flexion des têtes de myosine. La dysfonction systolique rencontrée habituellement en sortant de CEC pourrait être liée à l’œdème myocardique (volume liquidien de la CEC, cardioplégie, etc) qui augmente l’espace interstitiel entre les fibres d’actine et de myosine, et diminue la course des têtes de myosine. Un deuxième mécanisme est lié à la connectine; cette longue molécule qui parcourt le filament de myosine d'un disque Z à l'autre est étirée comme un élastique en diastole ; plus l’élongation est importante, plus elle est tendue et plus son élasticité contribue à l’effet Frank-Starling lorsqu’elle reprend sa forme [19]. Il est surprenant de constater que des matériaux dits intelligents comme le nitinol (alliages nickel – titanium), susceptibles de se contracter brusquement sous l’effet d’une stimulation thermique ou électrique, présentent également un phénomène de Starling : leur étirement au repos augmente leur force de contraction [20].
 
Plus la pente de la courbe de Frank-Starling est raide (phase de recrutement), plus le volume éjecté est dépendant du remplissage. Plusieurs types de courbes peuvent se présenter (Figure 5.47).
 
  • VG normal : pente de recrutement (volume systolique dépendant de la précharge, de petites variations de remplissage entraînent de grandes variations de volume systolique) et plateau horizontal (absence d’effet du remplissage). Le genou de la courbe représente la précharge nécessaire à obtenir le volume systolique maximal.
  • Dysfonction diastolique : pente de recrutement très redressée (haute dépendance du volume systolique par rapport à la précharge) et déplacée vers la droite (pression de remplissage élevée) ; plateau peu marqué (le VS reste précharge-dépendant même à haut remplissage).
  • Dysfonction systolique : pente très faible (peu d’amélioration de la performance systolique par augmentation du remplissage), genou abaissé et déplacé vers la droite, et redescente de la courbe au-delà du genou car la surcharge liquidienne entraîne une dilatation du VG et une péjoration de sa fonction.
  • VD normal : courbe beaucoup plus horizontale que celle du VD, ce qui signifie que le VD maintient le même débit systolique sur une vaste plage de volumes de précharge différents.
La courbe la plus rigoureuse est obtenue en affichant le volume télédiastolique (Vtd) en abscisse et le volume systolique (VS) en ordonnée. En effet, la pression de remplissage est liée au volume par la compliance et ne traduit qu’indirectement la précharge. D’autre part, la performance systolique est mieux définie par le volume systolique, qui est une donnée première indépendante, alors que le débit cardiaque est une valeur qui dépend de la fréquence ; or les variations de cette dernière maintiennent le débit stable lorsque le volume systolique change.
 
 
 
Déterminants de la fonction systolique (I)
La fonction systolique est déterminée par six facteurs principaux: la précharge, la postcharge, la contractilité, la fréquence, la synchronisation et l'apport d'oxygène.
 
Principe de Frank-Starling: la force de contraction du myocarde dépend de la tension de paroi télédiastolique. La courbe de Starling du VG présente une pente importante (phase de recrutement),  où le volume systolique (VS) augmente avec le volume télédiastolique (Vtd), jusqu'à un genou au-delà duquel sa pente devient nulle et où les variations de Vtd ne modifient plus le VS (plateau). Formes particulières de la courbe de Starling:
    - Insuffisance systolique: courbe très aplatie, pente faible, genou déplacé vers la droite, redescente au-delà du genou; le VS dépend peu du Vtd
    - Insuffisance diastolique: courbe très redressée, pente forte, absence de plateau; le VS est hautement dépendant du Vtd
    - VD: courbe très plate; le VS varie très peu avec la précharge
 

La postcharge  
 
La postcharge est la force de résistance que rencontrent les fibres myocardiques lors de leur contraction. Pour le coeur, cette force est définie comme la tension de paroi ventriculaire maximale en cours de systole (σ); c'est une force par unité de surface (dynes/cm2); elle est le facteur déterminant de la consommation d'oxygène du myocarde (mVO2). La fraction de raccourcissement du myocarde et sa vélocité de contraction sont inversément proportionnels à la postcharge; la baisse de performance causée par une augmentation de postcharge peut être contre-balancée jusqu'à un certain point par un recrutement de précharge; ceci rétablit le volume systolique (VS). Le VG est d'autant plus sensible à la postcharge que sa performance globale est abaissée ; c’est la base de la thérapeutique de l’insuffisance ventriculaire par des vasodilatateurs [16,22]. Le VD est très sensible aux variations de sa postcharge ; sa performance systolique baisse considérablement lorsque les résistances artérielles pulmonaires augmentent (Figure 5.48) [12]. L'état contractile du myocarde détermine la force télésystolique à laquelle le raccourcissement cesse. 
 

Figure 5.48 : Effet de l’augmentation de la postcharge sur le débit systolique du VG. Alors que le VG normal est peu sensible à la postcharge dans les limites physiologiques (en vert), le ventricule insuffisant (en rouge) diminue nettement sa performance lorsque la résistance à l’éjection augmente. Le VD (en pointillé) est très sensible à une augmentation de postcharge, qui provoque une dilatation ventriculaire et une baisse importante du débit.
 
La tension de paroi du ventricule (σ) est directement proportionnelle à la pression et au diamètre du VG, et inversement proportionnelle à son épaisseur de paroi: c'est la loi de Laplace. Dans la mesure où le ventricule peut être assimilé à une sphère, elle se formule mathématiquement de manière simple:
 
σ  =   ( P  •  r )  /  2 h                            où:    σ : tension de paroi (dynes/cm)
                                                                     P: pression intraventriculaire (mm Hg)
                                                                     r: rayon interne du VG (cm)
                                                                     h: épaisseur de paroi (cm)
 
Le VG étant un ellipsoïde, la formule appropriée s’écrit :
 
σ  =   ( P • D •  0.33 )  /  4 h  (1  + [ h / D] )
 
La tension de paroi est une force exercée par unité de longueur d'une circonférence, exprimée en gm/cm ou en dynes/cm (1 gm = 981 dynes); le stress de paroi est une force exercée sur une surface, exprimée en dynes/cm2. Comme les dimensions du ventricule changent au cours de la systole, le stress de paroi varie considérablement pendant l'éjection (Figure 5.49). Le stress protosystolique est le double du stress télésystolique, puisque la cavité a diminué de volume et que la paroi s’est épaissie au cours de l'éjection [8]. Cette variation est plus ample que celle des pressions au cours de la systole; de ce fait, les résistances vasculaires périphériques surestiment les baisses de postcharge secondaires à une vasodilatation, mais sous-estiment les augmentations liées à une vasoconstriction [9]. 


Figure 5.49 : Evolution schématique de la pression intraventriculaire gauche (P), de l'épaissaur de la paroi ventriculaire (h), du diamètre de la cavité, et de la tension de paroi ou stress pariétal (σ) au cours de la contraction isovolumétrique (A) et de la phase éjectionnelle (B) de la systole. Le stress de paroi, qui est la postcharge réelle du VG, diminue au cours de l'éjection ; en protosystole, il est le double de sa valeur en télésystole. Le calcul du stress maximal doit se faire avec la pression systolique maximale mais avec la mesure du diamètre télédiastolique qui est celui de la protosystole, avant son raccourcissement pendant l’éjection :   σmax  =  (PAsyst • Dtd) / 2 h.
 
Dans un système pulsatile comme la circulation artérielle, la postcharge est représentée par cinq composantes.
 
  • L’impédance aortique (Z0) est le rapport entre la pression instantanée et le flux ; elle est compliquée à calculer et sa mesure n’est pas réalisable en clinique: Z0 = (ρ • √ Vmax • ΔP) (π • r2). Elle représente la postcharge due à la pulsatilité; c'est le facteur principal du pic de stress de paroi pour le VG. Elle augmente lorsque l'aorte est de petite taille ou lorsque la paroi se rigidifie; elle diminue en cas d'anévrysme. On peut en avoir une approximation par l’image des modifications du flux aortique à l’échocardiographie (Figure 5.50).
  • La résistance artérielle systémique (RAS) calculée par la loi d’Ohm ; elle ne s’applique qu’à un système non-pulsatile et représente la postcharge due aux petites artérioles périphériques:  RAS = (PAM - POD) / DC,  où: PAM: pression artérielle moyenn, POD: pression de l'oreillette droit, DC: débit cardiaque.
  • L’onde réfléchie par la périphérie artérielle (voir Couplage ventriculo-artériel), qui représente 10-20% de la postcharge totale.
  • La compliance artérielle (Ca); son calcul peut être simplifié en mesurant le rapport entre le volume systolique (VS) et la pression artérielle différentielle ou pression pulsée (PP = PAsyst – PAdiast):  Ca  =  VS / PP [1]. La compliance artérielle n'évolue pas de manière linéaire en fonction de la pression; elle est maximale à basse pression et diminue à pression élevée.
  • La viscosité sanguine ; l'hématocrite idéal (32-35%) est une pondération optimale entre le transport d'O2 maximal pour le travail cardiaque minimal.
 

Figure 5.50 : Images échocardiographiques trasoesophagiennes (vue transgastrique) du flux aortique. A : Flux normal ; la vélocité maximale (Vmax) à travers la valve aortique est de 130 cm/s, la durée d’éjection de 290 msec. B : Lors du clampage de l’aorte thoracique basse, la Vmax baisse à 60 cm/sec et la durée d’éjection est ralentie à 530 msec. C’est l’illustration du retentissement hémodynamique de l’augmentation du stress de paroi sous l’effet d’une augmentation aiguë de l’impédance aortique.
 
L'impédance et la résistance ne sont identiques que si la fréquence est nulle et le système dépulsé. Les unités utilisées traditionnellement sont les dynes • sec • cm-5, mais on peut simplifier le calcul en utilisant les unités Wood: mmHg / L / min; la conversion des unités Wood en unités standard se fait en multipliant par 80. Comme elles varient de manière inversément proportionnelle à la surface corporelle, les résistances sont de préférence indéxées à cette dernière. 
 
La postcharge détermine la force avec laquelle le ventricule doit se contracter pour éjecter son volume systolique. La postcharge et le volume éjecté avec une certaine vélocité par le ventricule déterminent à leur tour la pression artérielle. La pression artérielle moyenne (PAM) est le produit du débit cardiaque et des RAS. La pression systolique (PAsyst) dépend de l’élasticité artérielle et des caractéristiques d’éjection du VG. La pression diastolique dépend des RAS, de l’élasticité artérielle et de la durée de la diastole. La pression pulsée ou différentielle (pulse pressure) (PP = PAsyst – PAdiast) dépend de la différence de volume sanguin présent dans une artère entre la systole et la diastole (ΔV) et de la compliance de cette artère (ΔV/PP) [21].
 
La dimension du ventricule est le point majeur dans la détermninbation de la postcharge: le stress de paroi est directement proportionnel au rayon et inversement proportionnel à l’épaisseur de la paroi. Deux ventricules de tailles différentes, respectivement de 4 et 7 cm de diamètre, fournissant les mêmes prestations hémodynamiques (PAM 75 mmHg, DC 5 L/min, RAS 1200 dynes•s•cm-5) ont un stress de paroi très différent : le σ du plus petit (rayon 2 cm) est de 45 dynes•cm-2, alors que le σ du plus grand (rayon 3.5 cm) est de 126 dynes•cm-2, soit le triple [17]. La même résistance à l'éjection représente une postcharge d'autant plus élevée que le ventricule est plus grand. Ainsi la taille du ventricule est un facteur majeur de sa consommation d’O2. La dilatation est donc toujours dangereuse ; elle est un déterminant primordial du travail ventriculaire et du pronostic clinique. Pour le ventricule, big is bad !
        
La postcharge détermine la répartition du travail ventriculaire entre l'élévation tensionnelle isométrique et le raccourcissement des fibres provoquant l'éjection (voir Relation pression/volume). Elle détermine également l’un des éléments de la contractilité: une soudaine élévation de postcharge induit une distension ventriculaire et une baisse de la vélocité d’éjection momentanées, suivies d'une augmentation persistante de la contractilité; c'est l'effet Anrep [14]. Il est plus prononcé sous anesthésie ou lors d'insuffisance cardiaque. Il est probablement dû à une augmentation du Ca2+ sarcoplasmique sous l’effet du stress de paroi. Face à une augmentation aiguë de postcharge, la dilatation est caractéristique du VD mais non du VG ; ce dernier baisse sa performance systolique sans variation notable de dimension.
 
 
Déterminants de la fonction systolique (II)
La postcharge est la tension de paroi maximale en systole. Par simplification, elle peut se définir par la loi de Laplace: σ = (P • r) / 2 h. Elle est composée de 5 éléments:
    - Impédance aortique (pression/flux instantané), résistance dans un système pulsé
    - Résistance périphérique (RAS = (PAM - POD)/DC), basée sur la loi d'Ohm pour un système non-pulsé
    - Onde de pression réfléchie
    - Compliance artérielle (VS / PAdiff)
    - Viscosité sanguine

La postcharge détermine la force que le ventricule doit développer pour pouvoir éjecter son volume systolique. La postcharge effective augmente linéairement avec les dimensions du ventricule. La même pression artérielle représente une postcharge d'autant plus grande que le ventricule est plus dilaté. Le VG est d'autant plus sensible à la postcharge que sa performance systolique est abaissée. Le VD se dilate immédiatement lorsque sa postcharge augmente de manière aiguë.
 
La fréquence
 
La fréquence augmente le débit cardiaque jusqu'à 120-180 battements/minute; au-delà, le débit effectif baisse [6]. La fréquence maximale baisse avec l’âge à cause de la dysfonction diastolique et du risque ischémique. Lors d'une accélération du rythme cardiaque, les quantités de calcium libres sarcoplasmiques dépassent les possibilité de récupération des pompes du reticulum sarcoplasmique, donc les taux augmentent: c'est l'effet inotrope positif de la fréquence, ou effet Bowditch ou Treppe Phenomenon [11]. Le bénéfice de ce phénomène est perdu lorsque la fréquence devient telle que l'accumulation diastolique de Ca2+ rigidifie le ventricule et que l’accélération du rythme raccourcit la diastole à tel point que le remplissage du ventricule devient insuffisant. Cet effet inotrope est inexistant lors de dysfonction ventriculaire, car la [Ca2+] est trop basse dans le reticulum sarcoplasmique.
 
La pression diastolique diminue avec la bradycardie, mais elle augmente parallèlement à la fréquence. La tachycardie peut être le seul moyen de compensation d'une insuffisance ventriculaire peu apparente (exemple: cardiomyopathie alcoolique). Comme la tachycardie raccourcit proportionnellement beaucoup plus la diastole que la systole, la perfusion coronarienne peut être rapidement compromise. Le myocarde pâtit doublement de la tachycardie à cause de l'augmentation de sa consommation d'O2 (↑mVO2) et du raccourcissemnt du temps de perfusion coronarienne diastolique (↓DO2). Lors d'une bradycardie, le long temps de remplissage permet l'accumulation d'un fort volume télédiastolique, mais la tension de paroi nécessaire à l'éjecter va augmenter (loi de Laplace); le ventricule se distend, le travail cardiaque et la mVO2 s'élèvent. Ce risque de dilatation est particulièrement élevé en présence d’une insuffisance aortique, même discrète. 
 
Moins il est compliant (insuffisance diastolique), moins le coeur peut varier son volume d'éjection, donc plus il dépend de la fréquence pour assurer son débit et de la contraction auriculaire pour maintenir son remplissage. Dans l’insuffisance diastolique (défaut de compliance ventriculaire), la relation de la fréquence au débit cardiaque est double.
 
  • Ne pouvant guère varier son volume télédiastolique, le ventricule dépend de la fréquence pour assurer son débit ; ce dernier baisse en cas de bradycardie parce que la rigidité ventriculaire l'empêche d'augmenter son volume pour maintenir son débit (comme chez le nouveau-né).
  • Etant lent à cause du manque de compliance, le remplissage diastolique est limité par la tachycardie; le volume systolique diminue profondément lorsque la fréquence s'accélère.
Il existe donc une fréquence optimale pour chaque condition hémodynamique; en éloigner un malade souffrant de dysfonction ventriculaire peut le décompenser. 
 
 
Déterminants de la fonction systolique (III)
La tachycardie raccourcit proportionnellement davantage la diastole que la systole; la fréquence maximale au-delà de laquelle le débit cardiaque baisse varie entre 120 et 180 batt/min selon l'âge; l'augmentation de fréquence a un effet inotrope positif. La tachycardie augmente la mVO2 myocardique et baisse le DO2 coronarien (risque ischémique élevé). La bradycardie risque de dilater le ventricule à cause du long temps de remplissage (particulièrement dangereux en cas d'insuffisance aortique). 
 
En cas d'insuffisance diastolique (défaut de compliance ventriculaire), le débit est étroitement dépendant de la normocardie; il baisse lors de tachycardie (temps de remplissage insuffisant) et de bradycardie (impossibilité d'augmenter le Vtd pour maintenir le débit cardiaque).
 
La synchronisation
 
La systole auriculaire contribue normalement pour 15-20% au remplissage ventriculaire, mais cette proportion peut augmenter jusqu'à 50% dans les cas de très mauvaise compliance diastolique (hypertrophie ventriculaire, par exemple). Le passage en rythme nodal ou en FA perturbe d'autant plus la performance systolique que le ventricule est plus rigide. D'autre part, la perte du rythme sinusal oblige à augmenter la pression moyenne de l'oreillette (remplissage) pour maintenir la même pression télédiastiolique ventriculaire.
 
Les arythmies ventriculaires (extrasystoles, tachycardies), les blocs de conduction et la dilatation ventriculaire modifient la géométrie et la vitesse de la contraction, donc diminuent le volume systolique effectif et la vélocité d'éjection. Il en est de même pour les zones akinétiques ou dyskinétiques. Dans ces différentes conditions, la contraction du VG ne progresse plus de l’apex vers la CCVG mais démarre n’importe où dans la paroi et se propage par des voies aberrantes. Il arrive qu’une paroi se contracte avant ou après les autres, ce qui amène à une bascule du volume sanguin à l’intérieur du ventricule sans qu’il n’y ait d’éjection. La correction de ce Pendelblut est à la base de la thérapeutique de l’insuffisance ventriculaire par resynchronisation avec un pace-maker triple chambre (voir Chapitre 12, Chirurgie de l’insuffisance cardiaque) (Figure 5.51) [10].


Figure 5.51 : Illustration de l'effet d'un bloc de branche gauche complet sur le retard de l'activation contractile dans différentes zones du ventricule gauche. Normalement, tout le ventricule est activé en moins de 40 msec; en cas de bloc, la zone postéro-latérale basale est activée plus de 120 msec après le reste du VG (zone bleu foncé). Le même phénomène se retrouve en cas de dilatation importante du VG. Cette désynchronisation diminue le volume éjecté [extrait de: Leyva F, et al. 20 years of cardiac resynchronizarion therapy. J Am Coll Cardiol 2014; 64:1047-58].
 
La contractilité
 
La contractilité est la capacité inhérente du myocarde à se contracter indépendamment des conditions de charge. C’est la force de raccourcissement par unité de temps. Elle est l’équivalent d’une puissance. La définition physique de la puissance est le travail effectué dans un certain laps de temps :
 
  • Travail  /  Temps        en :  g • cm / s    
  • Pression  •  Débit      en :  (g/cm2) • (cm3/s)  =  g • cm / s
  • Pression  •  Flux        en :  (g/cm2) • (cm3/s)  =  g • cm / s
Elle définit la quantité de travail que le myocarde peut fournir pour une charge donnée par unité de temps. A fréquence, précharge et postcharge constantes, elle est d'autant meilleure que la contraction maximale et le pic de pression généré sont atteints plus rapidement. 
 
La contractilité est tributaire de la précharge et de la postcharge, mais elle dépend aussi de l’imprégnation neuro-humorale de l’organisme : tonus sympathique central, taux de catécholamines circulantes, frein parasympathique et cholinergique. Le ventricule est également sensible à plusieurs hormones qui modifient sa contractilité: angiotensine II, vasopressine, facteur natriurétique auriculaire (ANF), prostaglandines, sérotonine, thyroxine. Celles-ci ont des effets différents selon que l'endocarde est intact ou non, ce qui tend à démontrer le rôle important de l'endothélium comme modulateur de la fonction cardiaque et comme médiateur de l'action des substances circulantes. D'autre part, les recherches menées sur l'endothélium vasculaire ont attiré l'attention sur le rôle possible de l'endocarde comme lieu de sécrétion paracrine: l'endothéline qu'il produit a un effet inotrope positif puissant par sensibilisation des protéines contractiles au Ca2+ [13]. Cet effet semble être complémentaire à l'effet Frank-Starling, car il se traduit par une prolongation de la durée de contraction, alors que l'étirement des fibres augmente le pic et la vélocité de la contraction [2]. Inversement, les cytokines (TNFα, interleukines, par exemple) ont un effet inotrope négatif marqué par le biais d'une synthèse accrue de NO endocardique [3].
 
On ne dispose malheureusement d'aucune mesure de contractilité indépendante des conditions de charge qui soit applicable en clinique. Un certain nombre de mesures s’en approche : vélocité de raccourcissement circonférentiel, indice de Tei, puissance éjectionnelle maximale, élastance ventriculaire maximale (Emax), vitesse de déformation systolique (strain rate). Elles sont détaillées au Chapitre 6 (voir Monitorage de la fonction systolique du VG). Bien qu’étant l'indice de fonction systolique le plus couramment utilisé, la fraction d'éjection n’est pas une mesure de la contractilité ventriculaire, car elle dépend entièrement des conditions de charge (voir Fraction d’éjection); elle se rapproche plutôt d'une mesure de travail.
 
 
Déterminants de la fonction systolique (IV)
La systole auriculaire contribue pour 15-20% au remplissage du ventricule; cette proportion augmente jusqu'à 50% en cas d'insuffisance diastolique. La perte du rythme sinusal oblige à augmenter la POG moyenne pour maintenir la même Ptd ventriculaire.
Les blocs de branche et la dilatation désynchronisent la contraction et diminuent l'efficacité de l'éjection. 
 
Contractilité: capacité inhérente du myocarde à se contracter indépendamment des conditions de charge, équivalant à une puissance (travail/temps): raccourcissement/temps, pression • débit. Difficile à mesurer en clinique indépendamment des conditions de charge; approximations possibles: vélocité de raccourcissement, puissance éjectionnelle, Emax. La fraction d'éjection n'est pas une mesure de contractilité.


© CHASSOT PG  Août 2010, dernière mise à jour Novembre 2019
 
 
 
Références 
 
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05 Physiopathologie cardio-vasculaire