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Triage et diagnostic 

Parmi les nombreuses applications de l'ultrasonographie en salle d'urgence (US pulmonaire, abdominale, pelvienne, vasculaire), l'échocardiographie est un outil diagnostic irremplaçable dès que se présente une défaillance hémodynamique, une douleur thoracique ou une hypoxémie réfractaire. Praticable au lit du malade, elle ne réclame ni déplacement, ni produit de contraste, ni irradiation. Comme déjà décrit pour les soins intensifs, il en existe deux modalités d'application [5,6,8].
 
  • Examen transthoracique de dépistage permettant d'évaluer quelques points essentiels comme la fonction ventriculaire, la volémie ou la tamponnade; il est réalisé par un médecin qui a suivi une formation limitée et ne remplace absolument pas une échocardiographie conventionnelle. Son but est une fonction de triage rapide (FoCUS, focused cardiac ultrasound). Il fait partie de l'évaluation ultrasonographique du patient choqué ou traumatisé, qui comprend en outre un examen US abdominal et pleural (FAST, focused assessment with sonography for trauma) (voir Echocardiographie transthoracique) [2,7].
  • Examen transthoracique et/ou transoesophagien complet pratiqué par un urgentiste, un anesthésiste ou un cardiologue qui ont reçu une formation adéquate en imagerie cardiaque et en médecine d'urgence, et qui sont habilités à pratiquer la technique, à en interpréter les images et à en tirer les conséquences thérapeutiques (voir ci-dessous).
Un examen en salle d'urgence chez un malade choqué ou agité, dans une situation stressante et bruyante, est beaucoup plus exigeant que le même examen sur un patient endormi en salle d'opération ou sédaté dans un laboratoire de cardiologie. Les compétences requises sont supérieures à celles nécessaires pour un examen de routine [9]. C'est pourquoi il est recommandé que chaque médecin impliqué dans l'échocardiographie sur un site d'urgence dispose, en plus de sa formation avancée en ETT/ETO, d'une expérience de 150 cas en situation critique ou de réanimation, dont 50 cas exécutés et interprétés par lui-même [8].

En général, l'échocardiographie transthoracique (ETT) est le premier choix, mais la voie transoesophagienne (ETO) peut s'imposer d'emblée lorsque l'échogénicité du malade est défavorable (obésité, trauma thoracique) ou lorsque le diagnostic présumé en est une indication propre (syndrome aortique aigu, embolie pulmonaire, valvulopathie aiguë, endocardite, status post-chirurgie cardiaque). Dans 20-40% des cas, l'imagerie transthoracique est un échec et nécessite le passage à la voie transoesophagienne [1]. Dans une situation d'urgence, l'ETO impose une intubation trachéale pour assurer la protection des voies aériennes. Chez les polytraumatisés, la fracture instable de la colonne cervicale est une contre-indication au passage de la sonde.

Dans les situations de stress, on se laisse facilement enfermer dans un "effet tunnel" qui focalise toute l'attention sur l'hypothèse diagnostique de départ, empêche de la remettre en question et obnubile le raisonnement sur des alternatives (voir Chapitre 2 Gestion des incidents critiques). Il est donc nécessaire de penser au-delà des causes apparentes et de toujours procéder à un examen complet, au minimum en suivant les 12 vues de l'examen rapide (voir Figures 25.147, 25.148 et 25.149) [8]. Ce n’est qu’après avoir acquis une vue d’ensemble de la situation cardiologique que l’on porte son attention sur les points susceptibles de confirmer le diagnostic suspecté. En effet, dans 20% des cas l’échocardiographie révèle une lésion différente de celle qui était attendue [4]. Les artéfacts comme des side-lobes ou des reverbérations sont fréquents parce que les calcifications de l'anneau mitral ou de l’aorte thoracique sont très échogènes et très proches du transducteur oesophagien; elles sont particulièrement traitres lors de suspicion de dissection (voir Artéfacts physiques). Alors que ces artéfacts traversent les structures et se modifient ou disparaissent selon les vues, les lésions anatomiques sont visibles dans plusieurs plans de coupe, ce qu’il faut rechercher systématiquement.  

Les principales indications à l'écho en salle d'urgence peuvent se regrouper en fonction de la symptomatologie de base du patient et de son étiologie probable. L'écho possède un impact diagnostique majeur dans une série de situations cliniques [8].
 
  • Hypotension réfractaire, état de choc: défaillance du VG ou du VD, hypovolémie, syndrome coronarien aigü, tamponnade, embolie pulmonaire, valvulopatie décompensée, sténose dynamique de la CCVG.  Chacun de ces diagnostics est détaillé dans la section Instabilité hémodynamique.
  • Traumatisme thoracique, polytraumatisme: tamponnade, hémo-pneumothorax, rupture aortique, contusion myocardique, lésion valvulaire [3].
  • Douleur thoracique aiguë (25% des admissions en urgence vitale): syndrome coronarien aigu, dissection/rupture aortique, péricardite (épaississement péricardique > 3 mm).
  • Dyspnée aiguë: décompensation ventriculaire, défaillance diastolique du VG (POG élevée), embolie pulmonaire, tamponnade, décompensation de valvulopathie, pneumothorax.
  • Arrêt cardiaque: syndrome coronarien aigu, embolie pulmonaire, tamponnade, dissection/rupture aortique,
  • Nouveau souffle cardiaque: IM sur défaillance ou ischémie du VG, décompensation de valvulopathie, endocardite, CIV.
Les pathologies les plus fréquentes sont passées en revue dans la section suivante (Pathologies courantes) [5].

 
Triage et diagnostic au déchocage
Deux niveaux d'examen sont à considérer lorsque se présente une défaillance hémodynamique, une douleur thoracique ou une hypoxémie réfractaire:
    - Examen transthoracique de dépistage pratiqué par un médecin de formation limitée
    - Examen transthoracique ou transoesophagien diagnostique par un praticien expérimenté et formé en échocardiographie

Principales indications:
    - Etat de choc cardiogène, hypovolémique, distributif ou restrictif
    - Traumatisme thoracique
    - Douleur thoracique
    - Dyspnée aiguë
    - Suspicion d'épanchement péricardique ou pleural
    - Arrêt cardiaque


© CHASSOT PG, BETTEX D. Octobre 2011, Avril 2019; dernière mise à jour, Mars 2020


Références
 
  1. BEAULIEU Y. Bedside echocardiography in the assessment of the critically ill. Crit Care Med 2007; 35(Suppl):S235-49
  2. BREITKREUZ R, WALCHER F, SEEGER SH. Focused echocardiographic evaluation in resuscitation management: Concept of an advanced life support-conformed algorithm. Crit Care Med 2007; 35(Suppl):S150-S161
  3. BURNS JM, SING RF, MOSTAFA G, et al. The role of transesophageal echocardiography in optimizing resuscitation in acutely injured patients. J Trauma 2005; 59:36-40
  4. COLREAVY FB, DONOVAN K, LEE KY; et al. Transesophageal echocardiography in critically ill patients. Crit Care Med 2002; 30:989-96
  5. LANCELLOTTI P, PRICE S, EDVARDSEN T, et al. The use of echocardiography in acute cardiovascular care: Recommendations of the European Association of CardioVascular Imaging and the Acute Cardiovascular Care Association. Eur Heart J Cardiovasc Imaging 2015; 16:119-46
  6. LEVITOV A, FRANKEL HL, BLAIVAS M, et al. Guidelines for the appropriate use of bedside general and cardiac ultrasonography in the evaluation of critically ill patients – Part II: Cardiac ultrasonography. Critical Care Med 2016; 44:1206-27
  7. NESKOVIC A, EDVARDSEN T, GALDERISI M, et al. Focus cardiac ultrasound: the European Association of Cardiovascular Imaging viewpoint. Eur Heart J Cardiovasc Imaging 2014; 15:956-60
  8. NESKOVIC A, HAGENDORFF A, LANCELLOTTI P, et al. Emergency echocardiography: the European Association of CardioVascular Imaging recommendations. Eur Heart J Cardiovasc Imaging 2013; 14:1-11
  9. POPESCU BA, ANDRADE MJ, BADANO LP, et al. European Association of Echocardiography recommendations for training, competence, and quality improvement in echocardiography. Eur J Echocardiogr 2009; 10:893-905
25. Echocardiographie transoesophagienne 1ère partie