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Rappel physiopathologique

Les valvulopathies entraînent des modifications majeures de la précharge, de la postcharge, de la performance systolique et de la compliance diastolique. Elles induisent un remodelage des cavités ventriculaires dont le but est adaptatif, mais qui dépasse progressivement les capacités de compensation du coeur. Les valvulopathies gauches ont un retentissement en amont sur la circulation pulmonaire où elles provoquent une hypertension postcapillaire. Ce chapitre ne traite que de l’aspect échocardiographique transoesophagien des valvulopathies ; on trouvera davantage de renseignements sur la physiopathologie et la clinique des affections valvulaires dans le Chapitre 11 Anesthésie et valvulopathies.

Fonction systolique

La fraction d’éjection (FE) exprime l’équilibre dynamique entre la précharge, la postcharge et la contractilité. Bien qu’elle soit la mesure de fonction systolique la plus courante, elle perd une bonne part de sa validité en cas de valvulopathie et ne peut plus être utilisée comme telle pour quantifier la performance ventriculaire pour plusieurs raisons (voir Chapitre 25 Indices éjectionnels) [17].
 
  • Modifications de postcharge : à contractilité égale, la FE s’abaisse si la postcharge augmente (sténose aortique) et s’élève si elle diminue (insuffisance mitrale).
  • Modifications de précharge : la FE s’abaisse si le volume télédiastolique augmente (insuffisance aortique) et s’élève s’il diminue (sténose mitrale).
  • Taille du ventricule : lorsque la cavité du VG est diminuée et que le Vts tend vers zéro, la FE augmente et tend vers 1.0 (100%). Un grand Vtd abaisse la FE parce que sa valeur est au dénominateur de la fraction.
  • Remodelage ventriculaire : un petit VG (sténose mitrale) a un volume systolique très limité indépendamment de sa contractilité ; un grand ventricule devient sphérique (rapport court-axe / long-axe > 0.6) ; ces phénomènes modifient le stress de paroi, donc le travail ventriculaire. Celui-ci est d'autant plus élevé que le ventricule est plus grand; la même performance hémodynamique en terme de début cardiaque et de pression artérielle coûte beaucoup plus d'énergie à un ventricule dilaté qu'à un ventricule de géométrie normale.
  • Les approximations géométriques utilisées pour le calcul de la FE, comme la formule de Teichholz, ne sont plus valides lorsque la forme du VG est modifiée par la dilatation ou l’hypertrophie concentrique.
  • La règle de Simpson est la seule technique valable si l’on veut mesurer la FE en cas de valvulopathie, parce que la forme remaniée du VG ne permet pas d’extrapolations géométriques.
  • La FE calculée à partir de volumes mesurés par échocardiographie tridimensionnelle est plus fiable, particulièrement pour le VD. Mais seule l'IRM est réellement précise pour l'évaluation du volume des chambres cardiaques.
Dans ces circonstances, la performance ventriculaire est mieux évaluée par l’épaisseur et la taille du ventricule (diamètre D et surface S en court-axe) [3].
 
  • Degré d’hypertrophie du myocarde ; épaisseur normale du VG (paroi postérieure): 0.6 - 1.2 cm.
  • En cas d’insuffisance valvulaire : dimension télésystolique. Dts normal maximal du VG : 4 cm ou 2.5 cm/m2 ; Sts maximale en court-axe : 6.5 cm2/m2.
  • En cas de sténose valvulaire : dimension télédiastolique. Dtd normal maximal du VG : 6 cm ou 4 cm/m2 ; Std maximale en court-axe : 12 cm2/m2.
Les indices isovolumétriques comme la pente ascentionnelle d’une insuffisance mitrale ont l’avantage d’être indépendants de la postcharge, puisqu’ils sont mesurés avant l’ouverture de la valve aortique ou de la valve pulmonaire. L’indice de Tei est indépendant de la géométrie ventriculaire, car il ne prend en compte que la durée des phases isovolumétriques et la durée de l'éjection. La déformation longitudinale globale (global strain) mesure le degré de raccourcissement systolique de la paroi du VG et ne dépend ni de sa forme ni de sa précharge. Ces indices conservent leur pertinence lors de valvulopathie (voir Chapitre 25, Indices isovolumétriques) [1].

Précharge et compliance

L’augmentation de la précharge ventriculaire améliore la performance systolique en suivant la courbe de Frank-Starling (Figure 26.1A). La courbe s’infléchit à partir d’une certaine valeur de volume télédiastolique, au-delà de laquelle la performance systolique n’augmente plus (courbe plate). La partie redescendante de la courbe n’est visible que chez les patients en insuffisance systolique, et correspond à la dilatation chronique du VG. Lorsque la fonction ventriculaire est normale, la courbe de Starling peut redescendre au-delà de sa partie horizontale pour une raison différente: le septum interventriculaire bascule dans le VG à cause de la distension du ventricule droit (effet Bernheim) secondaire à la surcharge de volume circulant en hypervolémie. Ce mouvement est responsable d’une diminution du remplissage effectif du VG; il explique l’apparente baisse de fonction systolique à très haut remplissage, qui n'est qu'une restriction du volume télédiastolique gauche (Figure 26.2) [14]. Contrairement au VG, en effet, le VD se dilate immédiatement lorsqu'il est surchargé.

La compliance exprime la relation pression/volume d’une cavité. La courbe de compliance des ventricules est presque horizontale à bas volume : les variations de remplissage ne se traduisent que par des variations négligeables de la pression. A haut volume, par contre, la courbe est redressée et les variations de volume se traduisent par des variations de pression importantes. Une diminution de compliance est typique de la dysfonction diastolique : la courbe est déplacée vers la gauche et vers le haut (Figure 26.1B). Une dysfonction diastolique accompagne toujours l'hypertrophie et la dilatation du ventricule.



Figure 26.1: Physiopathologie du VG. A : courbes de Franck-Starling, normale (en bleu), insuffisance systolique (pointillé rouge), insuffisance diastolique (pointillé violet). L'éjection du ventricule dépend d’autant plus de sa précharge que la courbe de Starling est verticale (partie gauche); lorsque cette dernière est aplatie, la performance systolique ne bénéficie pas de l'augmentation de précharge. En cartouche, la variation respiratoire de la pression artérielle traduit la dépendance (à gauche) ou l’indépendance (à droite) du débit par rapport à la précharge selon le degré de remplissage du VG. B : courbe de compliance; la courbe normale est très plate à bas remplissage: une grande variation de volume se traduit par une très faible variation de pression. Elle se redresse lorsque le ventricule se remplit ou dans l’insuffisance diastolique (pointillé rouge). Les pressions de remplissage (PVC, PAPO) traduisent correctement la précharge en hypervolémie (partie redressée de la courbe) mais non en hypovolémie (partie plate de la courbe).



Figure 26.2 : Bascule du septum inter-ventriculaire dans le VG lors de surcharge pulmonaire et/ou de défaillance ventriculaire droite (effet Bernheim). Le VG est comprimé, son remplissage diastolique est handicapé, et le volume systolique baisse. Le septum interauriculaire bombe dans l’OG.


La superposition des courbes de compliance et de Frank-Starling montre que la précharge modifie significativement la performance systolique lorsque le volume ventriculaire est faible (partie gauche ascendante de la courbe de Starling), ce qui se traduit par une variation significative de la pression artérielle avec la ventilation mécanique, typique de l’hypovolémie. A remplissage élevé, par contre, les variations de précharge n’influencent plus l’éjection systolique, mais la courbe de compliance est très redressée : les variations de volume (Vtd) se traduisent par de fortes variations de pression diastolique (PVC et PAPO). Le mode de surveillance du remplissage gauche est donc différent selon l'état de la volémie.
 
  • En hypovolémie, les variations ventilatoires de l’éjection systolique (ΔPAsystolique) et du septum interauriculaire (ETO) sont les meilleurs indices.
  • En hypervolémie, les variations de la pression de remplissage (PVC, PAPO) sont très fiables.
Les valvulopathies induisent des altérations hypertrophiques (sténoses) ou dilatatrices (insuffisances) et modifient la relation de la fonction ventriculaire et de la précharge de deux manières.
 
  • La dysfonction systolique caractéristique de la dilatation se traduit par un aplatissement de la courbe de Starling. La performance systolique est peu sensible aux variations de précharge ; le remplissage n’améliore plus le débit cardiaque.
  • La dysfonction diastolique typique de l’hypertrophie ventriculaire (paroi épaisse et rigide) se caractérise par une relation PV très verticale. Le volume systolique est très dépendant de la précharge, et la pression de remplissage est augmentée pour le même volume ; la tolérance à l’hypovolémie est extrêmement limitée. Lorsque le ventricule est dilaté, il s’appuie contre le péricarde en diastole ; cette contrainte extérieure impose une restriction au remplissage de même type que celle de la tamponnade.
     
Hypertrophie ventriculaire

Face à une augmentation de précharge (surcharge de volume) ou de postcharge (surcharge de pression), le VG s’adapte en s’hypertrophiant (HVG ou HVD, hypertrophie ventriculaire gauche ou droite). De manière simplifiée, on considère deux types d'hypertrophie: l'HVG physiologique et l'HVG pathologique [15].
 
  • L'HVG physiologique est une hypertrophie modérée qui reste réversible, au cours de laquelle la performance myocardique par unité de masse est conservée ou sensiblement améliorée. Elle est typique de la grossesse et de l'entraînement sportif d'endurance. C'est un processus adaptatif qui accroît la fonction systolique.
  • L'HVG pathologique est de plus grande ampleur; elle est accompagnée d'une dysfonction diastolique et peut progresser vers la décompensation et l'insuffisance cardiaque. A son origine, on trouve des états pathologiques: hypertension artérielle, sténose aortique, insuffisance valvulaire, ou cardiomyopathie. L'obésité et le diabète sont des comorbidités fréquentes. Les gènes codant le métabolisme du Ca2+ sont altérés, l'expression de gènes fœtaux est réactivée, la fibrose est importante, le collagène est en excès, les mitochondries dysfonctionnent, et l'angiogenèse est insuffisante.
Une surcharge de pression (sténose valvulaire) induit une élévation du stress de paroi systolique et  une hypertrophie de type concentrique avec rétrécissement de la cavité ventriculaire ; le mécanisme est une réplication en parallèle des myocytes. Une surcharge chronique de volume (insuffisance valvulaire) engendre une élévation du stress de paroi diastolique ; elle donne lieu à une hypertrophie excentrique avec dilatation de la cavité ventriculaire et réplication en série des myocytes (Vidéos).


Vidéo: vue court-axe d'une hypertrophie ventriculaire concentrique sévère du VG dans un cas de sténose aortique serrée (surcharge de pression).


Vidéo: exemple d'hypertrophie excentrique avec dilatation du VG dans un cas de communication interventriculaire congénitale (surcharge de volume).

Qu'il s'agisse de surcharge de pression (sténose aortique) ou de volume (insuffisance aortique ou mitrale), l'hypertrophie ventriculaire gauche évolue en trois stades que l’on peut analyser selon la loi de Laplace, qui définit la tension de paroi (σ) : σ = (P • r) / 2h (Figure 26.3) [13].
 
  • Le travail demandé excède les capacités normales du myocarde : la tension de paroi augmente par élévation de la pression P (résistance à l'éjection) ou du rayon r (dilatation).
  • L'hypertrophie (augmentation de l’épaisseur h) va normaliser la tension de paroi, car celle-ci s’épaissit ; la dimension de la cavité ventriculaire diminue (surcharge de pression) ou augmente (surcharge de volume). La limite critique pour la masse myocardique est 500 g, ou 300 g/m2 (poids normal du coeur : 250 g).
  • La décompensation : les mécanismes physiologiques sont dépassés, la tension de paroi augmente à nouveau par surcharge de pression (excès de P) ou de volume (augmentation de r). La fraction régurgitée maximale supportée chroniquement par le VG sans décompenser est de 40%.


Figure 26.3 : Hypertrophie du VG et loi de Laplace. A : HVG concentrique (surcharge de pression). L’aug-mentation de pression (P) est compensée par une diminution du rayon (r) de la cavité et une augmentation de l’épaisseur (h) de la paroi. Le stress de paroi est stable. B : HVG excentrique ou dilatative (surcharge de volume). Le rayon augmente sans augmentation de pression, ce qui est compensé par une augmentation de l’épaisseur de paroi. C : Phase de décompensation. Pression et dimension du VG augmentent au-delà de la compensation.

La dilatation liée à l’insuffisance ventriculaire fait perdre au VG sa forme ellipsoïde normale; il devient sphérique [4]. Cette sphéricisation est une catastrophe mécanique pour le cœur [10].
 
  • Les faisceaux longitudinaux hélicoïdaux deviennent circulaires, ce qui augmente le stress de paroi et supprime le raccourcissement dans le long-axe du ventricule.
  • La rotation systolique et la succion diastolique du ventricule sont perdues.
  • La musculature circulaire est distendue, la tension de paroi s'élève sans compensation possible (loi de Laplace).
  • La perte de la forme elliptique modifie la géométrie de l’appareil sous-valvulaire mitral et provoque une insuffisance mitrale, parce que la dilatation tire excessivement sur les cordages et empèche les feuillets mitraux de rejoindre leur point de coaptation en systole. L'insuffisance mitrale surajoute une surcharge de volume. L'importance de cette régurgitation est un bon marqueur du degré de décompensation ventriculaire. Elle est associée à une aggravation de morbi-mortalité indépendante de la valeur de la fraction d'éjection.
  • La compliance est faible parce que le ventricule opère à haut volume.
  • La bradycardie est mal supportée car une longue diastole provoque un excès de remplissage et dilate encore la cavité.
  • L’augmentation de postcharge n’est pas tolérée parce qu’elle augmente la dilatation.
  • L'élévation des pressions de remplissage entraîne une dilatation auriculaire, avec un risque de passage en FA (perte du "kick" auriculaire).
  • La dilatation et la sphéricisation du VG modifient la répartition de la stimulation électrique. Le QRS est élargi (> 150 msec); il s'installe une désynchronisation qui détériore la performance contractile.
Dans l'hypertrophie concentrique, le pic du stress de paroi est décalé vers la télésystole, bien qu’il reste normal: le pic de pression intraventriculaire est atteint dans la deuxième moitié de la systole au lieu du premier quart [5]. La fraction d'éjection est élevée à cause du petit volume télésystolique (Vts) et non par amélioration de la contractilité. Même si la performance cardiaque globale est élevée, les fibres isolées sont désorganisées et noyées dans le tissu fibreux ; leur métabolisme est orienté vers la glycolyse seule ; elles ont une fonction diminuée, et le travail produit par unité de masse contractile est inférieur à la normale [9]. L’augmentation massive de la masse cellulaire dans l'hypertrophie concentrique a un double coût: 1) une dysfonction diastolique avec défaut de relaxation et de distensibilité dû à la rigidité de la paroi épaissie et fibrosée, et 2) une augmentation du risque ischémique.

L’hypertrophie concentrique (HVG) caractéristique de la sténose aortique est associée à une ischémie myocardique pour plusieurs raisons [2,7,8].
 
  • L’HVG augmente le métabolisme basal et élève la mVO2 par augmentation de la masse myocardique; le muscle hypertrophié consomme jusqu'à 50 % de plus d'O2 pour développer le même travail externe.
  • L’augmentation du stress de paroi, qui survient lorsque l’épaisseur du muscle n’est plus en proportion avec le diamètre et la postcharge, est un des déterminants majeurs de la mVO2.
  • A pression diastolique aortique égale, l’augmentation de la pression intraventriculaire secondaire à l’élévation de postcharge et à la dysfonction diastolique diminue la valeur de la pression de perfusion coronarienne (PPC =  PAdiastAo  -  PtdVG)
  • L'hypertrophie et l'hyperplasie vasculaires sont en retard sur l'augmentation de la masse musculaire : la densité capillaire est diminuée de 20 - 30% dans une HVG concentrique [12].
  • La région sous-endocardique est particulièrement à risque pour deux raisons : 1) les vaisseaux coronariens sont écrasés par la Ptd élevée du VG et 2) ils ont comprimés par la masse musculaire excessive sur leur trajet entre l’épicarde et l’endocarde, qui est plus long. Des épisodes ischémiques répétitifs conduisent à une fibrose sous-endocardique qui réduit encore la compliance du ventricule [12].
  • L’effet Venturi provoqué dans les sinus de Valsalva par la haute vélocité du jet systolique induit une dépression locale et un flux rétrograde dans les troncs coronariens en systole.
Une brusque diminution du volume de la cavité ventriculaire en cas d'HVG concentrique peut donner lieu à une obstruction dynamique de la chambre de chasse (effet CMO) en l’absence de cardiomyopathie obstructive : le Vts devient tellement faible que la zone de coaptation mitrale est déplacée antérieurement vers la chambre de chasse du VG (CCVG), si bien que le feuillet antérieur de la valve mitrale peut basculer en avant vers la CCVG lorsque la pression s'élève en systole (voir Figure 26.156). Par effet Venturi, l'accélération dans la chambre de chasse aspire secondairement le feuillet antérieur de la valve mitrale (SAM: systolic anterior motion), ce qui crée une obstruction sous-valvulaire à l'éjection (voir Prothèses valvulaires, ETO peropératoire). Le gradient de pression entre le VG et l'aorte est élevé (> 30 mm Hg). Le phénomène est amplifié par l’hypovolémie, la baisse de postcharge et la stimulation inotrope.

L'augmentation chronique de volume (insuffisance valvulaire) élève la tension de paroi pendant la diastole ; elle induit une réplication en série des sarcomères (hypertrophie dilatative). L'accroissement des dimensions de la cavité ventriculaire est momentanément compensé par un épaississement discret de cette paroi. La valeur de l'équation de Laplace est stable, mais la FE calculée est abaissée puisque le Vtd est agrandi. La paroi ventriculaire est moins épaisse, le développement du collagène est moindre, et le travail interne de pression n'est pas augmenté comme dans l'HVG concentrique. L’efficience énergétique du VG est bonne, parce qu’il déplace un grand volume à basse pression (augmentation du travail externe) ; le rapport entre l'apport et la demande d'O2 est préservé. Une surcharge de volume est mieux tolérée qu'une surcharge de pression. La fonction diastolique est conservée, la relaxation est facilitée et le ventricule garde sa souplesse. Le rapport entre l’épaisseur de paroi du VG et le rayon de la cavité ventriculaire (EPR) est normal tant que la situation est compensée, mais l’évolution conduit progressivement à une dilatation hors de proportion avec la masse du VG et le rapport EPR baisse < 0.3 [5]. Si la dilatation continue, la tension de paroi augmente sans compensation possible.
 
  • La compliance devient faible parce que le ventricule opère à haut volume.
  • Le couplage interventriculaire est 1/1 lorsque les ventricules sont au contact du péricarde ; ceci survient lorsque la PtdVD est ≥ 12 mmHg et la PtdVG ≥ 18 mmHg. Dans ce cas, toute modification de pression ou de volume d'un ventricule retentit sur l'autre.
  • La bradycardie est mal supportée car une longue diastole provoque un excès de remplissage ; elle est particulièrement dangereuse en cas de dilatation sur insuffisance aortique parce que la fuite intraventriculaire a lieu au régime de pression diastolique aortique.
  • L’augmentation de postcharge n’est pas tolérée parce qu’elle augmente la dilatation.
  • La dilatation ventriculaire ne permet plus aux deux feuillets mitraux de coapter et la valve fuit. L'importance de cette régurgitation mitrale secondaire est un bon marqueur du degré de décompensation ventriculaire.
  • La dilatation du VG est définie par un diamètre télédiastolique > 4 cm/m2 (Vtd > 60 mL/ m2).
     
Hypertension pulmonaire

L’HVG et le défaut de compliance élèvent la pression dans l’OG, qui se dilate progressivement. Normalement, la contraction auriculaire élève momentanément la pression dans le coeur gauche pour mettre sous tension optimale l’épaisse paroi ventriculaire en télédiastole, sans que la pression moyenne de l’oreillette n’atteigne des valeurs qui seraient responsables d’une hypertension veineuse pulmonaire. En l’absence de rythme sinusal, la pression auriculaire moyenne nécessaire à remplir le VG est bien plus élevée, et l’effet protecteur sur la circulation pulmonaire est perdu [11].

Au cours de l’évolution des valvulopathies mitrales et aortiques, la POG augmente progressivement malgré la dilatation de l’oreillette [16]. Ceci retentit sur la circulation veineuse pulmonaire, dont la pression s’élève. Ce phénomène mécanique n’est pas seul responsable de l’hypertension pulmonaire secondaire, car la pression veineuse pulmonaire chroniquement maintenue au-dessus de 20 mmHg (hypertension pulmonaire postcapillaire, HTP) induit une augmentation réactionnelle des résistances artérielles pulmonaires (RAP) de nature myogénique et neurovégétative. Avec le développement progressif d’une fibroélastose intimale, il s’installe une hypertension artérielle pulmonaire de type précapillaire (HTAP), qui est hors de proportion comparée à l’hypertension veineuse. La correction chirurgicale de la valvulopathie gauche rétablit la pression veineuse postcapillaire, mais elle ne diminue pas immédiatement la composante précapillaire, qui ne régresse que lentement et partiellement.

L'hypertension pulmonaire (HTP) est définie par une pression moyenne (PAPm) supérieure à 25 mmHg au repos et des RAP > 240 dynes•s•cm-5 (valeur normale : 60-150 dynes•s•cm-5) ou > 3 U Wood (normal < 2 U Wood) [6,18]. L'HTP secondaire aux cardiopathies gauches constitue le groupe 2 dans la classification internationale (voir Chapitre 5 Hypertension pulmonaire), caractérisé par:
 
  • P télédiast VG > 18 mmHg;
  • PAPO > 15 mmHg;
  • RAP < 3 U Wood;
  • Gradient transpulmonaire < 12 mmHg.
L'hypertension pulmonaire augmente la postcharge du VD. En l’absence d’hypertrophie compensatrice, la pression systolique maximale que peut développer un VD normal est 60 mmHg. L'HTP/HTAP entraîne une cascade de conséquences : hypertrophie droite (HVD) et dilatation du VD, insuffisance tricuspidienne, dilatation de l’OD et stase veineuse systémique (Vidéos). Lorsqu’il s’hypertrophie, le VD ressemble de plus en plus au VG, et son débit devient dépendant de sa précharge. A son tour, la surcharge du VD retentit sur le remplissage du coeur gauche par plusieurs phénomènes : le retour veineux à l’OG est diminué parce que le débit pulmonaire est limité, le septum interventriculaire bombe dans la cavité gauche et limite son expansion diastolique (effet Bernheim), l’insuffisance tricuspidienne due à la dilatation droite fait bomber le septum interauriculaire dans l’OG, l'insuffisance tricuspidienne rajoute une surcharge de volume à la surcharge de pression (Vidéos).


Vidéo: hypertrophie du VD et dilatation massive du VD et de l'OD dans un cas d'embolies pulmonaires à répétition. Le septum interauriculaire et le septum interventriculaire bombent dans les cavités gauches et en restreignent le volume.


Vidéo: vue court-axe d'une hypertrophie dilatative massive du VD avec basculement complet du septum dans le VG qui est devenu minuscule. Le VD ressemble à un "O" et le VG à une demi-lune, ce qui est l'inverse de la situation normale.


Vidéo: dyskinésie septale en cas de surcharge de pression. La durée d’éjection du VD étant allongée à cause de la hausse de postcharge, la systole droite se prolonge pendant le début de la relaxation du VG et fait basculer le septum interventriculaire dans le VG en protodiastole; en protosystole, le septum est rectiligne.


Vidéo: insuffisance tricuspidienne modérée en vue admission-chasse du VD; en systole, le septum interauriculaire bombe dans l'OG.

La perfusion coronarienne du VD, qui est systolo-diastolique, est compromise lorsque sa pression intracavitaire systolique se rapproche de la pression aortique (Figure 5.116). 



Figure 5.116 : Flux coronarien droit et gauche. A: schéma du flux coronarien systolo-diastolique dans le ventricule droit (trait bleu) et presqu'exclusivement diastolique dans le ventricule gauche (trait rouge). B: enregistrement Doppler du flux dans l'artère interventriculaire antérieure (IVA) à l'échocardiographie transeosophagienne. C: enregistrement Doppler du flux dans la coronaire droite à l'échocardiographie transeosophagienne. Le flux est situé en dessous de la ligne de base parce qu’il s’éloigne du capteur situé dans l’œsophage.

 
Valvulopathies: fonction ventriculaire
Indices de fonction systolique:
    - FE non pertinente à cause du remodelage et de l’altération des conditions de charge
    - Insuffisances valvulaires: dimension télésystolique (diamètre VG normal ≤ 2.5 cm/ m2)
    - Sténoses valvulaires: dimension télédiastolique (diamètre VG normal ≤ 4 cm/ m2)
Fonction diastolique
    - Dysfonction sur hypertrophie et/ou dilatation ventriculaire
    - Rend le débit cardiaque dépendant de la précharge et de la fréquence
HVG concentrique
    - Fonction systolique préservée, mais dysfonction diastolique
    - Risque d’ischémie myocardique
Précharge: très faible tolérance à l’hypovolémie de toutes les valvulopathies, maintien de la précharge préférentiellement élevée


© CHASSOT PG, BETTEX D. Octobre 2011, Juin 2019; dernière mise à jour, Mars 2020


Références
 
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