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Les dérivations standards

Les conditions d’examen du bloc opératoire ne permettent pas de réaliser des tracés électrocardiographiques (ECG) exactement superposables à ceux d’un enregistrement standard. Cependant, le positionnement judicieux des électrodes offre suffisamment de possibilités pour explorer tout le territoire ventriculaire gauche et une bonne partie du droit. Lors de lésions coronariennes gauches (interventriculaire antérieure et/ou circonflexe), les dérivations V5 et DII détectent ensemble 80% des accidents ischémiques, mais la présence de lésions droites baisse la sensibilité à 65% ; il faut donc ajouter une dérivation V4 droite (V4R) pour observer le territoire du VD. La combinaison DII-V5-V4R permet de surveiller la quasi-totalité des territoires coronariens. La combinaison DII-V4-V5 a une sensibilité de 96% pour l’ischémie gauche [2]. Pour que la surveillance soit efficace, on affiche sur l’écran les dérivations correspondant aux zones à risque d’ischémie active.
 
Les trois territoires coronariens ont schématiquement la répartition suivante :
 
  • Artère interventriculaire antérieure (IVA)           DI, aVL, V3 - V4
  • Artère circonflexe (CX)                                      DI, aVL, V4 - V6
  • Artère coronaire droite (CD)                              DII, DIII, aVF
    
La localisation de l’ischémie ou de l’infarctus est repérable en fonction des dérivations où elle apparaît :
  •  Territoire antérieur                                            DI, aVL, V3 - V4
  • Territoire inférieur                                              DII, DIII, aVF
  • Territoire latéral                                                 DI, aVL, V5 - V6    
  • Territoire postérieur                                           altération réciproque V1 - V2
  • Territoire antéro-latéral                                      V1 - V6
  •  Territoire antéro-septal                                     V1 - V4
  • Territoire inféro-latéral                                       inférieur + V5 - V6
  • Ventricule droit                                                  V4R - V6R
Les tests d’effort préopératoires ou la coronarographie permettent de connaître les territoires où sont survenu les anomalies correspondant à une ischémie active. On les affiche de préférence sur l’écran du moniteur. La surveillance d’un territoire déjà infarci est inutile. Un positionnement rigoureux des électrodes sur le patient est la condition de base pour obtenir un tracé adéquat (Figure 6.1).
 

Figure  6.1: Positionnement des électrodes d’ECG. A : Positionnement des électrodes d’ECG dans des systèmes à trois électrodes. En CB5, l'électrode négative est sur l'omoplate. B : Positionnement des électrodes d’ECG dans un système à cinq électrodes. C : positionnement des électrodes précordiales ; V5 : ligne axillaire antérieure, 5ème espace intercostal. BD: bras droit. BG: bras gauche. JG: jambe gauche. JD: jambe droite.

Il faut éviter les interférences des mouvements musculaires en plaçant les électrodes en regard de zones osseuses, et veiller à ce que les câbles des dérivations ne croisent pas d'autres circuits électriques. Les fasciculations musculaires et les frissons donnent des oscillations aléatoires de haute fréquence. Un défaut d’isolation ou un mauvais contact cutané des électrodes induisent des artéfacts de lecture, des dérives de la ligne de base et la captation de courants parasites (60 Hz, par exemple). La coagulation est la principale source d’altérations électriques. On peut en minimiser la portée en plaçant l’électrode de référence de la jambe droite le plus près possible de la plaque de mise à terre et en connectant le moniteur à un autre réseau d’alimentation électrique que le thermocautère. Le potentiel électrique cutané et le potentiel de base de l’électrode génèrent des oscillations lentes de la ligne de base. L’électricité statique de la machine de CEC peut induire des irrégularités semblables à une fibrillation ventriculaire, particulièrement si l’atmosphère de la salle d’opération est froide et sèche [1].
    
La variation du potentiel électrique de l’ECG est rapide au cours d’un QRS, mais plus lente au cours de l’onde T. Dans une analyse spectrale, la fréquence de chaque composante peut être assimilée à la pente du tracé électrique. L’évènement le plus rapide est représenté par les pointes-ondes (spikes) d’un pace-maker (> 100 Hz) ou les artéfacts du réseau (60 Hz) [3]. L’analyse des ondes P ou T demande une fréquence de lecture de 3 - 10 Hz ; celle du QRS réclame une lecture à 5 - 30 Hz, et l’analyse du segment ST une lecture jusqu’à 60 Hz [4]. Malheureusement, plus l’étendue du spectre de lecture est vaste, plus le tracé est perturbé par des artéfacts. D’où la nécessité d’introduire un filtrage : les signaux de hautes et basses fréquences sont filtrés dans le mode monitoring (réponse de 0.2 à 40 Hz) et éliminés dans le mode filtre (réponse de 0.5 à 30 Hz). Le mode diagnostic ne filtre aucun signal (réponse de 0.05 à 130 Hz). Le filtrage des hautes fréquences élimine l’effet des mouvements musculaires, du 60 Hz et des instruments électriques (800 – 2’000 Hz pour la coagulation) ; celui des basses fréquences stabilise la ligne de base. Comme l’amplification des signaux de basse intensité, la filtration impose un léger délai qui peut altérer la relation temporelle de certains éléments : un filtre à 0.5 Hz peut modifier la pente du segment ST et induire artificiellement un léger sous-décalage ; l’amplitude des ondes R et S diminue avec un filtre à 40 Hz [3].
 
Ces considérations ont des implications cliniques pratiques. L’analyse du segment ST n’est fiable qu’en mode diagnostic (importance des basses fréquences < 0.5 Hz) ; il en est de même pour le test d’un pace-maker (hautes fréquences des pointes-ondes > 40 Hz). Lors de fibrillation ventriculaire induite par un fibrillateur, le mode diagnostic permet seul de s’assurer que le courant de 60 Hz est établi. Si le moniteur le permet, il est pratique d’afficher une dérivation dans le mode diagnostic (DII) et une autre dans le mode filtre (V5).
 
 
L'ECG
Dans un système à 5 dérivations, DII et V5 détectent ensemble 80% des accidents ischémiques. La combinaison DII-V4-V5 a une sensibilité de 96% pour l’ischémie du VG. Les signaux de hautes et basses fréquences sont filtrés dans le mode monitoring (réponse de 0.2 à 40 Hz) et éliminés dans le mode filtre (réponse de 0.5 à 30 Hz). Le mode diagnostic ne filtre aucun signal (réponse de 0.05 à 130 Hz) ; il est mieux adapté à la surveillance du segment ST.



© CHASSOT PG  Mars 2008, dernière mise à jour Août 2017
 
 
 
Références

 
  1. KHAMBATTA HJ, STONE JG, WALD A, et al. Electrocardiographic artifacts during cardiopulmnonary bypass. Anesth Analg 1990; 71:88
  2. LONDON MJ, HOLLENBERG M, WONG MG, et al. Intraoperative myocardial ischemia: localization by continuous 12-lead electrocardiography. Anesthesiology 1988; 69:232-241
  3. LONDON MJ, KAPLAN JA.  Advances in electrocardiographic monitoring. in: KAPLAN JA. Cardiac anesthesia. Saunders Co, Philadelphia 1993, pp 299-341
  4.  WEINFURT PT.  Electrographic monitoring:  An overview. J Clin Monitor 1990; 6:132-9
 
06. Le monitorage en anesthésie cardiaque