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Dysfonction rénale

Dans le cadre de l'insuffisance rénale et de la chirurgie, on peut rencontrer trois situations différentes. 
 
  • Le malade présente une dysfonction rénale significative, mais il peut encore mener une existence normale moyennant quelques ajustements;
  • Le patient opéré est un insuffisant rénal terminal dialysé;
  • L'insuffisance rénale se développe dans le postopératoire chez un malade avec ou sans pathologie clinique préexistante. 
Le pronostic de ces trois conditions est assez dissemblable. La première demande des précautions mais son pronostic est satisfaisant s'il ne survient aucune complication. La deuxième offre de bons résultats avec les technique actuelles. La troisième conserve un avenir très sombre, essentiellement parce que l'insuffisance rénale se développe secondairement à une dépression hémodynamique grave accompagnée d'une insuffisance multiorganique.
 
La dysfonction rénale se définit par une créatininémie > 130 μmol/L ou > 1.5 mg/L (1 mg/dL = 88.4 μmol/L). La clairance de la créatinine est une estimation plus fine de la fonction rénale, car elle correspond à la réserve fonctionnelle des reins. . Elle peut se calculer par la formule de Cockroft-Gault: Clcr = [(140 – âge) x poids x (0.85 si femme)] / 72 x créatininémie. La limite inférieure de la normalité est 60 mL/min [1]. A l'état normal, il faut une amputation de 50% de la masse fonctionnelle rénale pour que la clairance soit modifiée. On tend à diviser la néphropathie aiguë (NPA) en trois stades en utilisant diverses combinaisons de la créatininémie, de la clairance de la créatinine et du débit urinaire [3,11]. La stratification la plus récente est celle de KDIGO, dans laquelle la NPA est définie par une élévation de la créatinine de ≥ 25 mcmol/L en 48 heures ou de ≥ 1.5 fois la valeur de base, et/ou un débit urinaire de < 0.5 mL/kg/h pendant 6 heures (voir Tableau 23.18) [7]. Toutefois, l’élévation maximale du taux de créatinine ne survient que 48-60 heures après la chute de la filtration glomérulaire. La créatininémie est donc un bon critère de fonction rénale lors de maladie chronique mais non en cas de néphropathie aiguë. De plus, le volume de distribution de la créatinine est l'eau totale de l'organisme; de ce fait, la créatininémie est diminuée en cas d'hémodilution et ses variations suivent l'altération de la fonction rénale avec un délai de ≥ 48 heures [11]. D'autre part, son taux est influencé par la masse musculaire, la diète, l'âge et le sexe. 
 
La créatininémie, la clairance de la créatinine et le débit urinaire signent l’atteinte rénale fonctionnelle mais non la lésion elle-même. Ils ne sont pas suffisamment précoces pour instituer un traitement avant les lésions irréversibles. Or une insuffisance rénale de 1-2 jours est déjà associée à une augmentation significative de la mortalité postopératoire (OR 1.66) [10]. C’est la raison pour laquelle on explore actuellement la capacité prédictive d’une série de marqueurs biologiques qui se modifient très tôt dans l’évolution de la néphropathie et qui représentent directement la lésion cellulaire [3,11]. L'élévation de leurs taux sériques ou urinaires survient dans les premières heures, alors que les altérations fonctionnelles caractérisées par les modifications de la créatinine n'apparaissent qu'après 1 à 2 jours [2].
 
  • NGAL (Neutrophil Gelatinase-Associated Lipocalin) ou lipocaline 2 : ce biomarqueur a une sensibilité de 100% et une spécificité de 98% pour la néphropathie aiguë (valeur-seuil : 50 mcg/L), et une excellente corrélation avec la mortalité ou la dialyse (r = 0.83) [4]. 
  • Cystatine C : détectable dans les 6 heures qui suivent l’agression rénale, elle est corrélée à la baisse de la filtration glomérulaire et prédit la dysfonction rénale qui s’installe 24 heures plus tard avec une sensibilité de 84%, une spécificité de 82% et une corrélation de 0.96 [10].
  • KIM-1 (Kidney Injury Molecule 1) : également issue des cellules tubulaires proximales mais plus tardivement que le NGAL, elle a une sensibilité de 92-100% pour l’insufisance rénale qui se développe dans les 24 heures [5].
  • Interleukine-18 : cette cytokine pro-inflammatoire a un pic à 6 heures après l’opération, bien corrélé au risque de dialyse et de mortalité.
  • NAG (N-acetyl-β-d-glucosaminidase) : lysozyme présent dans les cellules tubulaires, dont le taux urinaire est proportionnel aux lésions cellulaires des tubules.
Le NGAL est actuellement le test le plus précis et le plus proche d’une introduction routinière en clinique sous forme d’un examen rapide [3]. Les taux urinaires et sériques de ce biomarqueur permettent d'établir un score qui traduit l'importance de la lésion rénale survenue après chirurgie cardiaque (voir Tableau 23.19) [2]. Cette détection précoce d’une lésion rénale devrait améliorer le pronostic des néphropathies en permettant une prise en charge spécifique avant l'apparition des lésions fonctionnelles (clairance, diurèse) et avant le développement du tableau clinique d’une insuffisance rénale établie [8,11].  
 
La prévalence d'une atteinte rénale est d'environ 13% dans la population générale; celle de l'insuffisance rénale terminale est de 0.1% [6]. La mortalité annuelle des patients en dialyse est de 18%; à 5 ans, elle varie de 39% à 60% [9].
 
 
 
 Insuffisance rénale 
La dysfonction rénale est caractérisée par une créatininémie > 130 μmol/L ou > 1.5 mg/L. La limite inférieure de la clairance de la créatinine est 60 mL/min. Ces valeurs définissent bien la fonction rénale chronique, mais sont trompeuses pour l'évaluation de la nécphropathie aiguë pour 2 raisons: 1) l’élévation maximale du taux de créatinine ne survient que 48-60 heures après la chute de la filtration glomérulaire, et 2) la créatininémie est diminuée en cas d'hémodilution car son volume de distribution est l'eau totale de l'organisme. Différents biomarqueurs sont modifies dans les premières heures qui suivent la chute de la fonction rénale: NGAL, cystatine C, KIM-1, NAG. 


© CHASSOT PG, Septembre 2007, dernière mise à jour, Décembre 2018
 
 
 
Références
 
  1. BROWN JR, COCHRAN RP, MACKENZIE TA, et al. Long-term survival after cardiac surgery is predicted by glomerular filtration rate. Ann Thorac Surg 2008; 86:4-11
  2. DE GEUS HRH, RONCO C, HAASE M, et al. The cardiac surgery-associated neutrophil gelatinase-associated lipocalin (CSA-NGAL) score: a potential tool to monitor acute tubular damage. J Thorac Cardiovasc Surg 2016; 151:1478-81
  3. GAFFNEY AM, SLADEN RN. Acute kidney injury in cardiac surgery. Curr Opin Anesthesiol 2015; 28:50-9
  4. HAASE-FIELITZ A, HAASE M, DEVARAJAN P. Neutrophil Gelatinase-Associated Lipocalin as a biomarker of acute kidney injury: a critical evaluation of current status. Ann Clin Biochem 2014; 51:335-51
  5. HUANG Y, DON-WAUCHOPE AC. The clinical utility of kidney injury molecule 1 in the prediction, diagnosis and prognosis of acute kidney injury: A systematic review. Inflam Allergy Drug targets 2011; 10:260-71
  6. HILL NR, FATOBA ST, HIRST JA, et al. Global prevalence of chronic kidney disease – A systematic review and meta-analysis. PloS ONE 11:e0158765
  7. KELLUM JA, ASPELIN P, BARSOUM RS, et al. for KDIGO AKI Work Group. KDIGO clinical practice guideline for acute kidney injury. Kidney Int 2012; 2(Suppl):1-138
  8. MÅRTENSSON J, MARTLING CR, BELL M. Novel biomarkers of acute kidney injury and failure: clinical applicability. Br J Anaesth 2012; 109:843-50
  9. ROBINSON BM, AKIZAWA T, JAGER K, et al. Factors affecting outcomes in patients reaching end-stage kidney disease worldwide: differences in access to renal replacement therapy, modality use, and haemodialysis practices. Lancet 2016; 388:294-306
  10. SWAMINATHAN M, HUDSON CCC, PHILIPS-BUTE BG et al. Impact of early renal recovery on survival after cardiac surgery-associated acute kidney injury. Ann Thorac Surg 2010; 89:1105-10
  11. VANDENBERGHE W, DE LOOR J, HOSTE EAJ. Diagnosis of cardiac surgery-associated acute kidney injury from functional to damage biomarkers. Curr Opin Anesthesiol 2017; 30:66-75