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Préambule

La maladie athéromateuse est la première cause de décès chez les adultes dans les pays industrialisés [3]. L'insuffisance coronarienne est aussi la cardiopathie la plus fréquemment rencontrée chez les malades chirurgicaux. Dans les pays occidentaux, près de 20% des patients opérés souffrent de coronaropathie à des degrés divers [5]. Cette prévalence tend à augmenter avec l’aggravation des maladies cardiovasculaires et le vieillissement de la population. Dans cette cohorte, les patients de chirurgie vasculaire occupent une place à part. Plus de 60 % d'entre eux présentent des signes de coronopathie, et le taux d'infarctus postopératoire y oscille entre 4.7 et 8.5% [1]. C'est la raison pour laquelle la majeure partie des études sur l'ischémie périopératoire en chirurgie non-cardiaque est conduite chez des populations de malades vasculaires. On y trouve des relations entre la prise en charge anesthésique et le devenir postopératoire qui n'apparaissent pas forcément dans le reste de la population. Or cette catégorie à très haut risque ischémique ne représente que 10% de tous les malades chirurgicaux. 
 
Le type, la gravité et l'incidence de la pathologie coronarienne est variable selon les populations. Dans le cas des anévrismes de l’aorte abdominale, par exemple, l’incidence d’angor clinique est de 20% en France et de 49% en Suède, et celui d’infarctus respectivement de 16% et 50% [2,4]. La prévalence de la maladie coronarienne est nulle chez les esquimaux. Au Japon, elle n'est qu'un dixième de celle de l'Europe et des USA, mais l'incidence des complications cardiaques postopératoires dans ces populations n'est pas différente d'un continent à l'autre [6]. La réponse au traitement est également inhomogène: en Amérique du Nord, par exemple, la population noire répond moins bien aux béta-bloqueurs que la population blanche [7]. Il faut donc rester réservé sur les possibilités de transposer les résultats d’une éthnie à une autre. 
 
Dans l’évaluation des résultats, il est également nécessaire de tenir compte des variations qui existent entre les différentes institutions: chaque hôpital a des conditions de travail particulières, une qualité de soin variable, une population de malades à plus ou moins haut risque et des caractéristiques de morbidité et de mortalité qui lui sont propres. Lorsqu'on compare l'impact de techniques différentes sur le devenir des malades, ces biais prennent toute leur importance.
 
D'une manière générale, la relation entre les évènements peropératoires et l'infarctus postopératoire est multifactorielle. De nombreux éléments entrent en ligne de compte :
 
  • Le type de population (géographique, éthnique, masculine ou féminine);
  • La variabilité génétique de la réponse aux médicaments;
  • L’importance de la stimulation sympathique et du syndrome inflammatoire;
  • Les pathologies associées (hypertension, diabète, polyvascularité, insuffisance rénale);
  • Le type de chirurgie et l’importance des perturbations hémodynamiques;
  • Le type de lésion ischémique (déséquilibre entre la demande et l’apport en O2 ou rupture de plaque instable);
  • La qualité de la prise en charge médicale.
Ces différents éléments influencent la morbi-mortalité aussi bien en chirurgie cardiaque qu’en chirurgie générale.
 
Les données sur l'ischémie périopératoire en chirurgie de revascularisation coronarienne ne sont pas transposables aux patients de chirurgie non-cardiaque. Ces deux catégories de malades ne présentent ni les mêmes types de lésions, ni les mêmes relations entre les évènements peropératoires et les complications cardiaques postopératoires. Pour le formuler de manière simplifiée, les malades de chirurgie générale souffrent en général de lésions diffuses et périphériques se traduisant pas une ischémie sous-endocardique avec sous-décalage du segment ST et infarctus non-Q. Les patients subissant une revascularisation coronarienne chirurgicale ont des lésions tronculaires se traduisant par une ischémie segmentaire, une surélévation du segment ST et un infarctus avec onde Q. Les premiers courent davantage de risque pendant les premiers jours postopératoires que pendant la période peropératoire, alors que les seconds sont en principe guéri de leur affection par la chirurgie coronarienne, pour autant que la revascularisation soit complète.
 
Ce chapitre aborde cinq thèmes principaux: 
 
  • Un rappel de la physiopathologie et de la clinique de l’ischémie myocardique (voir aussi Chapitre 05, Perfusion coronarienne); 
  • Le traitement de la maladie coronarienne;
  • L’évaluation du risque ischémique (voir aussi Chapitre 03);
  • L'anesthésie du coronarien pour la chirurgie non-cardiaque;
  • L'anesthésie pour la revascularisation coronarienne.
     
 
Insuffisance coronarienne
L'ischémie coronarienne est la principale cardipathie rencontrée en clinique chez l'adulte. Dans les pays industrialisés, elle touché 20% de la population chirurgicale. Mais son incidence et sa gravité sont variables selon les populations.
 
L'infarctus périopératoire est d'orgine multifactorielle, ce qui le rend difficilement prévisible. Parmi les principaux elements en cause:
 
    - Le type de population (géographique, éthnique, masculine ou féminine)
    - La variabilité de la réponse au médicaments
    - L'importance de la stimulation sympathique et du syndrome inflammatoire
    - Les pathologies associées
    - Le type de chirurgie et l'importance de la reaction inflammatoire
    - Le type de lésion ischémique
    - La qualité de la prise en charge médicale


© BETTEX D, CHASSOT PG, RANCATI V,  Janvier 2008, dernière mise à jour, Octobre 2018
 
 
Références
 
  1. BADNER NH, KNILL RL, BROWN JE, et al. Myocardial infarction after noncardiac surgery. Anesthesiology 1998; 88:572-8
  2. BARON JF, MUNDLER O, BERTRAND M, et al. Dipyridamole-thallium scintigraphy and gated radionuclide angiography to assess cardiac risk before abdominal aortic surgery. N Engl J Med 1994 ; 330:663-9
  3. GO AS, MOZAFFARIAN D, ROGER VL, et al. AHA Statistics Committee and Stroke Statistics Subcommittee. Heart disease and stroke statistics - 2014 update: a report form the American Heart Association. Circulation 2014; 129:e28-292
  4. HOHNER P, NANCARROW C, BACKMAN C, et al. Anesthesia for abdominal vascular surgery in patients with coronary artery disease. Part I: Isoflurane produces dose-dependent coronary vasodilatation. Acta Anaesthesiol Scand 1994; 38:780-92
  5. MANGANO DT, BROWNER WS, HOLLENBERG M, et al. Association of perioperative myocardial ischemia with cardiac morbidity and mortality in men undergoing noncardiac surgery. The study of Perioperative Ischemia Research Group. N Engl J Med 1990; 323:1781-8
  6. SEKI M, KASHIMOTO S, NAGATA O, et al. Are the incidences of cardiac events during noncardiac surgery Japan the same as in the United States and Europe ? Anesth Analg 2005; 100:1236-1240
  7. YANCY CW, FOWLER MB, COLUCCI WS, et al. Race and the response to adrenergic blockade with carvedilol in patients with chronic heart failure. N Engl J Med 2001; 344:1358-1365
09. Anesthésie en cas d'ischémie et de revascularisation coronariennes