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Indications et résultats cliniques du TAVI  

La levée de l’obstacle à l’éjection que représente une sténose aortique apporte un soulagement immédiat au ventricule gauche. C’est la raison pour laquelle le remplacement valvulaire aortique offre d’excellents résultats cliniques, même chez le malade âgé. Cependant, certains malades se voient refuser ce soulagement parce que leur état critique implique une mortalité excessive lors d’une intervention en CEC. Il est donc logique de se tourner vers les techniques de cathétérisme percutané pour mettre en place une prothèse aortique sans CEC ; c’est le TAVI (Transcatheter aortic valve implantation) ou TAVR (Transcatheter aortic valve replacement). Le premier dispositif de ce type a été essayé chez l’homme en 2002 par le Pr Alain Cribier (Université de Rouen). Depuis lors, une quinzaine de modèles différents ont été implantés chez environ 350'000 malades malades souffrant de sténose serrée et présentant un risque chirurgical intermédiaire ou sévère [14].
 
La sténose aortique est la valvulopathie la plus fréquente chez l’adulte ; sa prévalence s’élève à 2-4% au-delà de 65 ans. Laissée à elle-même, elle a une mortalité de 25% à 1 an et de 50% à 2 ans [12]. Elle est aussi la valvulopathie la plus fréquemment opérée. Le remplacement valvulaire aortique (RVA) en CEC a une mortalité périopératoire moyenne de 1-3% ; il assure une survie de 83% à 5 ans et de 63% à 10 ans [7,11]. Malheureusement, la vieillesse et la présence de comorbidités importantes augmentent la mortalité opératoire jusqu’à 25%, et un tiers des patients se voit refuser la chirurgie parce que le risque est trop élevé [18]. L’implantation endovasculaire d’une prothèse valvulaire sans CEC permet d’espérer une diminution significative de cette mortalité chez les patients à très haut risque. C’est la raison qui est à l'origine du TAVI (Transcatheter aortic valve implantation) ou TAVR (Transcatheter aortic valve replacement) (voir Figure 10.27A). 
 
Plusieurs prothèses sont actuellement sur le marché, et d’autres en essai clinique (Figure 10.20). Elles consistent toutes en une valve biologique faite de trois feuillets de péricarde bovin (Edwards Sapien™) ou porcin (CoreValve™, Symetis Acurate TA™, JenaValve™) montée dans une armature métallique analogue à celle des endoprothèses vasculaires [3,10,30]. 
 

Figure 10.20 : Exemples de valves aortiques biologiques implantables (transcatheter aortic valve implantation ou TAVI). A: Edwards Sapien XT™. B : Edwards Sapien 3™. C : Medtronic Corevalve™. D : Medtronic Corevalve Evolut™. E : Symetis Acurate neo™. F : St.Jude Medical Portico™. G : Symetis Acurate TA™. H : JenaValve™. J : Direct Flow Medical™. K : Boston Scientific Lotus™. Les valves Sapien™ en péricarde bovin, fixées dans un stent en acier inoxydable souple, sont dilatées au moyen d’un ballon lors de sa mise en place. Les valves Corevalve™ en péricarde porcin sont montées dans un stent auto-expensif en nitinol. Les valves Acurate sont montées dans un stent auto-expansif en nitinol; elles peuvent être repositionnées en cours d'intervention et laissent les ostia coronariens accessibles ; le modèle Acurate neo™ est utilisée par voie transapicale, le modèle Acurate TA™ par voie transfémorale. La valve Acurate TA™ et la JenaValve™ consistent en une valve porcine native montée dans une structure auto-expansive [Arsalan M, Walther T. Durability of prostheses for transcatheter aortic valve implantation. Nat Rev Cardiol 2016; 13:360-7].
 
 
  • CoreValve™ : le stent de nitinol est auto-expansible ; le nitinol est un alliage nickel-titane à mémoire de forme, qui reprend sa configuration initiale dès que la température s’élève s’il a été déformé à froid. Cette prothèse existe en 4 tailles (23, 26, 29 et 31 mm) correspondant à des anneaux aortiques de 18-20 mm, 20-23 mm, de 23-27 mm et 26-29 mm, respectivement. Sa partie distale élargie la stabilise dans l’aorte ascendante. Elle s’étend plus loin dans la chambre de chasse du VG (CCVG) et dans l’aorte que les autres prothèses. Elle se place uniquement par voie fémorale.
  • Edwards Sapien™ : le stent d’acier est dilaté au moyen d’un ballon une fois la valve en place ; ce stent est moins long que le précédent, donc moins susceptible de léser les voies de conduction. L’armature est recouverte d’un tissu synthétique pour en améliorer le scellage à l’anneau aortique. La prothèse existe en 3 tailles (23, 26 et 29 mm) prévue pour des anneaux de respectivement 18-22 mm, 21-25 mm et 24-27 mm. 
  • Edwards Sapien XT™ : cette valve possède une armature en alliage chrome-cobalt ; elle existe en 4 tailles : 20, 23, 26 et 29 mm. Montée sur un nouveau système d’implantation 16F, 18F ou 20F selon la taille de la prothèse, elle offre un ensemble valve-cathéter plus fin que la prothèse précédente.
  • Edwards Sapien 3: de même structure que la précédente, cette valve est dotée d’une jupe antifuite externe qui assure une meilleure étanchéité avec l’anneau ; elle existe en tailles 23, 26 et 29 mm.
  • Symetis Acurate TA™ : valve aortique porcine fixée sur un stent en nitinol auto-expansible ; prévue pour des tailles d’anneau de 21 à 27 mm, elle offre un ancrage distal particulier pour dégager les ostia coronariens ; en voie de commercialisation, elle a reçu le label CE en septembre 2011.
  • JenaValve™ : biovalve porcine montée sur un stent en nitinol équipé d’un dispositif de clippage ; elle a également reçu le label CE en septembre 2011. Elle est pour l'instant la seule endoprothèse certifiée pour l'insuffisance aortique [30].
De nombreuses prothèses sont en cours de développement et d’essai clinique (Portico™, Lotus™, Direct Flow Medical™, PercValve™, Colibri™ Heart Valve, Engager™ Valve) [12,16,38]. Nombre d'entre elles disposent de systèmes permettant de les repositionner au cours de l’intervention ou même de les extraire et de recommencer la procédure, voire de changer de taille.
 
Les valves actuelles n’accommodent pas des diamètres aortiques inférieurs à 18 mm ou supérieurs à 29 mm. Dans la pratique, on choisit toujours une valve intentionnellement surdimensionnée pour réduire le risque de fuite paravalvulaire, car l’étanchéité est difficile vu que l’anneau aortique est calcifié, bosselé et inhomogène. Mais le surdimensionnement doit rester modeste (5-10%, 1-3 mm), car il empêche le dépliement correct des feuillets, cause une régurgitation centrale et lèse les voies de conduction ; s’il est excessif, il peut même conduire à une rupture catastrophique de l’anneau aortique. Ces valves sont introduites repliées sur un cathéter par voie fémorale ou transapicale et sont déployées lorsqu’elles sont en place au niveau de l’anneau aortique. La sténose aortique est au préalable dilatée au moyen d’un ballon. Avant le déploiement de la prothèse, la position de celle-ci à cheval sur la valve est contrôlée par fluoroscopie et par échocardiographie transoesophagienne (ETO). Certaines valves doivent être dilatées au ballon lors de leur mise en place (Sapien™, Sapien XT™), d’autres sont auto-expansibles et se déploient d’elles-mêmes (CoreValve™, Symetis Acurate™, JenaValve™). Les premières sont préférables lorsque la racine aortique est dilatée ou angulée, alors que les secondes sont mieux adaptées lorsque l'anneau aortique est très ovale ou très calcifié [14]. L’éjection du VG est réduite par un électro-entraînement rapide à 180-220 batt/min (rapid pacing) lorsque la valve aortique est bloquée par le ballon et pendant le déploiement de la prothèse pour éviter son embolisation. Toutefois, les prothèses auto-expansibles ne requièrent pas systématiquement de pacing rapide. Le gradient moyen de ces différentes prothèses est de l'ordre de 12 mmHg. Dans le postopératoire, les patients sont placés sous anti-agrégation: double thérapie antiplaquettaire (aspirine 150 mg + clopidogrel 75 mg) pendant 3 mois (valves auto-expansibles) à 6 mois (valves expandues au ballon), suivie d’aspirine à vie. 
 
L’indication première pour le TAVI est la sténose aortique serrée (S < 0.6 cm2/m2, gradient moyen > 40 mmHg) symptomatique chez le malade âgé (> 75 ans) dont l’espérance de vie est > 1 an et dont la mortalité opératoire estimée par l'EuroScore ou le score STS dépasse 10%, et chez le patient présentant des comorbidités sévères ou des contre-indications à la chirurgie en CEC: réopération, radiothérapie thoracique, hypertension pulmonaire, insuffisance droite, ou aorte porcelaine [16,37,43]. La plupart des patients sont en classe NYHA IV (EuroSCORE > 20, score STS PROM > 10), les deux tiers souffrent d’une coronaropathie associée, la moitié présente de l’angor ou des syncopes et le quart pâtit d'une insuffisance mitrale [5,14]. L’intervention se justifie par le fait que la survie à long terme des octogénaires après remplacement de la valve aortique pour sténose est la même que celle des individus normaux du même âge (64% à 5 ans) (voir Figure 11.93) [11]; mais elle n'a pas de sens si l'espérance de vie est < 50% à 1 an et si la probabilité d'amélioration est < 25% à 2 ans [14]. Les contre-indications actuelles au TAVI sont l’insuffisance mitrale sévère, l’endocardite, les thrombus ventriculaire ou auriculaire et la dilatation de l’aorte ascendante (> 4.5 cm) [16]. D’autre part, les dimensions de l’anneau et de la racine aortique ne doivent pas dépasser celles prévues pour chaque prothèse (entre 18 mm et 29 mm) (Tableau 10.3).

La bicuspidie et l’insuffisance aortique ont été considérées comme des contre-indications jusqu'ici, mais cette attitude est en voie de changement. Dans la bicuspidie, le taux de fuites paravalvulaires et celui d'échecs obligeant à passer en RVA à ciel ouvert sont beaucoup plus élevés que dans les cas de valves tricupides à cause de la forme elliptique des structures, mais ces revers tendent à s'estomper avec les derniers modèles de prothèse [41]. Le taux d'AVC y est également plus important (OR 1.57) [25]. L'insuffisance aortique pure n'offre pas une bonne assise à la prothèse, car l'anneau n'est pas calcifié et la racine aortique est dilatée; le positionnement dépend largement de l'ETO peropératoire. Le taux d'IA résiduelle et le risque d'embolisation y sont élevés [40]. Cependant, la valve de Jena offer une parade à ces problèmes avec son ancrage distal jusqu'au niveau de la jonction sino-tubulaire [30]. Ces contre-indications sont donc en pleine evolution, d'autant plus que le TAVI pourrait être une solution à l'insuffisance aortique qui se développe secondairement dans près de 30% des assistances ventriculaires gauches (LVAD) [29].
 
 
 
Plusieurs grandes études randomisées, des registres nationaux et les données des entreprises manufactrices permettent de se faire une idée cohérente des résultats cliniques du TAVI après plus de 300’000 prothèses implantées à ce jour chez des patients à risqué élevé ou intermédiaire et âgés en moyenne de ≥ 65 ans [30].  
 
  • La comparaison entre TAVI et RVA en CEC chez des patients à haut risque (mortalité prédite > 15%) montre que la mortalité à 1 an est identique (25%); le risque d’AVC est plus élevé dans le TAVI (5.1% vs 2.4%) mais le risque hémorragique est diminué (14.7% vs 25.7%) (étude PARTNER A, valve Sapien™, 699 patients) [33]. A 2 ans, la mortalité reste similaire (34% vs 35%) de même que les performances hémodynamiques de la prothèse. Seul le taux de fuite paravalvulaire est plus élevé dans le groupe TAVI; il est associé à une péjoration de la mortalité lorsque la fuite est plus que mineure [17].
  • Par rapport au traitement médical, la mortalité cardiovasculaire à 1 an chez des malades jugés inopérables est diminuée de plus de la moitié (HR 0.39) dans le groupe bénéficiant de TAVI, mais le taux d’AVC à 1 mois est augmenté de 1.1% à 5.0% (étude PARTNER B, valve Sapien™, 358 patients) [20]. A 2 ans, la mortalité reste inférieure dans le groupe TAVI (43% vs 68%); les performances hémodynamiques de la prothèse ne se sont pas altérées au cours de la deuxième année d’observation [24].
  • Le registre français des TAVI montre que le taux de succès de l’implantation est de 97%, la mortalité à 1 mois et 1 an de 9.7% et 24% respectivement, et le taux d’AVC de 4.1%; les fuites paravalvulaires sont associées à une diminution de la survie lorsque l’insuffisance aortique est plus que mineure (13% des cas) (étude FRANCE 2, 3’195 patients, valves Sapien™ et CoreValve™) [13]. 
  • Plus récemment, une nouvelle comparaison entre TAVI et RVA en CEC chez des patients à haut risque montre que la mortalité à 1 an est diminuée avec le TAVI (14.2% vs 19.1%); le taux de complications est également plus faible (20% vs 27%), et celui d’AVC n’est pas augmenté (étude CoreValve™, 797 patients) [2].
  • Dans une série tout-venant (280 patients) comprenant pour les trois quarts des malades à bas risque, la CoreValve™ auto-expansible comparée au RVA chirurgical montre une morbi-mortalité équivalente à 1 an (13.1% vs 16.3%), avec une tendance vers moins d’AVC (2.9% vs 4.6%), mais davantage d’insuffisance aortique résiduelle (15.7% vs 0.9%) et de pace-maker permanent (34.1% vs 1.6%) [36].
  • Dans une série de 2’032 patients à risque intermédiaire (étude PARTNER 2), la valve Sapien XT™ (expansion par ballon) comparée au RVA chirurgical ne montre pas de différence significative à 2 ans pour la mortalité et l’AVC (19.3% vs 21.1%), avec une réduction du taux d’insuffisance rénale, de FA et d’hémorragie; le RVA chirurgical, par contre, présente moins de complications vasculaires et d’IA résiduelle [21].
  • Le succès immédiat est plus important avec une prothèse expandue par ballon (Sapien XT™) qu’avec une prothèse auto-expansible (CoreValve™) (96% vs 78%, OR 1.24), le taux d’IA plus faible (4% vs 18%) et le besoin de pace-maker moins important (17% vs 38%); mais à 1 an, les différences de résultats et de survie ne sont plus significatives. Seule l’IA paravalvulaire est moins fréquente avec les valves expandues par ballon (1% vs 12%) (étude CHOICE, 241 patients) [1].
  • A 5 ans, la survie après TAVI est de 37% (à 6 ans: 31%); le tiers des patients est en classe NYHA I ou II (123 patients, âge moyen 81 ans); le taux cumulé d’AVC est de 16%. La prothèse ne montre pas de signe de détérioration, puisque le gradient moyen est de 10.7 mmHg et la surface moyenne 1.6 cm2 [4].
  • Lorsque la technique transfémorale est bien maitrisée, la tendance vers une simple sédation au lieu d'une anesthésie générale allège la procédure et simplifie la prise en charge, sans modifier significativement les résultats cliniques [27].
  • Le coût de la procédure est de $ 42’800, mais les frais cumulés à 1 an s’élèvent à $ 106’000; vu l’espérance de vie de ces malades, cela représente un investissement de $ 61’890 par QALY (quality-adjusted life-year) [32]. On estime que le rapport coût/bénéfice d’un traitement est favorable lorsqu’il est inférieur à $ 50’000/QALY. Selon certains registres, le TAVI pourrait déjà passer en-dessous de cette barre ($ 48’266/QALY) [39]. Il est certain que le montant de l’intervention baissera avec la banalisation de la procédure.  
Quels que soient les progrès des prothèses et les succès remarquables de la technique, le TAVI présente des limites qui freinent son extension à une population jeune et à bas risque et n'en font pas encore l'exact équivalent du RVA chirurgical [29,30].
 
  • Le taux moyen de pace-maker permanent oscille entre 5% et 25% des cas;
  • Le taux d'IA résiduelle reste élevé et péjore le pronostic lorsque l'insuffisance est de degré ≥ 2;
  • Le taux d'AVC est de 3-5% (RVA: 1.3-3.2%); le perfectionnement des prothèses et l'évolution de l'expertise médicale ont récemment abaissé cette incidence à 2-3% [19].
  • Le taux de lésions vasculaires, essentiellement ilio-fémorales, varie de 3% à 15%.
  • La bicuspidie, l'insuffisance aortique et les lésions complexes sont exclues des études comparatives.
  • La durabilité à long terme des prothèses est largement inconnue.
La fréquente association entre la sténose aortique et la coronaropathie pose le problème de la prise en charge conjointe d’une revascularisation coronarienne et d’un remplacement valvulaire. Ce problème est d’autant plus difficile que la symptomatologie ischémique peut être liée à la sténose aortique. Lorsque l’une ou l’autre de ces pathologies présente une indication chirurgicale (FE < 30%, diabète, maladie tritronculaire ou tronc commun, EuroSCORE < 20, STS score < 10), la thérapie de choix est une opération simultanée en CEC (RVA + PAC). Mais lorsque la chirurgie n’est pas indiquée à cause d’un risque trop élevé du RVA, le TAVI doit se synchroniser avec la PCI (percutaneous coronary intervention). Les résultats de la combinaison PCI + TAVI sont équivalents à ceux de la combinaison RVA + PAC [9]. L’attitude prédominante est de procéder à la PCI en premier et au TAVI un peu plus tard pour plusieurs raisons [9,15]. 
 
  • La PCI est bien supportée chez les patients souffrant d’une sténose aortique symptomatique;
  • L’accès aux ostia coronariens est rendu difficile par la prothèse aortique implantée;
  • Le pacing rapide inflige un risque ischémique très élevé;
  • Le traitement en deux temps diminue la charge en produit de contraste et le risque de néphropathie aiguë.
L’indication à la PCI avant TAVI est réservée aux malades souffrant d’ischémie active et porteurs de sténoses sévères proximales qui mettent en danger une large masse myocardique. Le délai proposé entre les deux évènements est d’une dizaine de jours. La bithérapie antiplaquettaire après PCI + stents n’est pas interrompue pour le TAVI puisque celui-ci se déroule de toute manière sous antiplaquettaires, mais le risque hémorragique est évidemment plus élevé; de ce fait, une bithérapie avec aspirine + clopidogrel est préférable [9]. Toutefois, aucune étude contrôlée ne permet pour l’instant de déterminer quel est le meilleur moyen d’investiguer la coronaropathie avant un TAVI (épreuve de stress, RMN, coronarographie, fractional flow reserve) ni comment gérer de manière optimale la séquence entre PCI et TAVI [6]. Après TAVI, la coronarographie et la PCI sont compliquées parce que les systèmes d'ancrage de la prothèse recouvrent partiellement les orifices coronariens, particulièrement avec les valves auto-expansibles [42].
 
Les progrès dans les résultats cliniques poussent à étendre le TAVI à des patients de risque intermédiaire (risque opératoire 4-8%), où les résultats du RVA en CEC sont excellents [8]. On ne dispose pour l’instant que de quelques études dans cette catégorie de malades. Elles tendent à montrer des résultats équivalents avec le TAVI et le RVA en terme de mortalité et d’ictus, avec toutefois une incidence plus élevée d’IA résiduelle et de pace-maker permanent pour le TAVI, mais moins de transfusions, de fibrillation auriculaire et d’insuffisance rénale que la chirurgie [21,35,36]. L'une d'entre elles démontre en outre que le gradient transvalvulaire est moindre avec le TAVI qu'avec le RVA (8 vs 12 mmHg) et la surface d'ouverture plus grande (2.2 vs 1.8 cm2) [31]. Des résultats intermédiaires montrent déjà que, chez des patients de > 65 ans à risque modéré opérés dans des centres expérimentés, la mortalité du TAVI à 1 mois est de 1.1-3.9%, ce qui est encourageant et soutient la comparaison avec la mortalité du RVA conventionnel, qui est de 2.4% > 75 ans et de 1.3% chez les < 70 ans [22]. On ne dispose pas de recul à long terme, puisque le plus long suivi de TAVI est de 8 ans [4]. 

Récemment, deux études menées sur des patients à bas risque ont montré que la mortalité à 1 année est légèrement plus basse dans les groupes TAVI (1.0-2.3%) que dans les groupes RVA (2.5-3.0%), de même que l'incidence d'AVC (0.5% versus 1.7%) et de fibrillation auriculaire (8% versus 29%); l'incidence de fuite paravalvulaire majeure et de bloc de branche est plus élevée dans les TAVI (4% et 23%, respectivement) [23,28]. Dans les cas de sténose aortique simple, sans insuffisance ni bicuspidie, le TAVI donne donc des résultats sensiblement meilleurs que le RVA chirurgical à court terme, mais la durabilité à long terme de ce succès est inconnue [34].
 
Tant que le TAVI était réservé à des patients âgés et à haut risque dont la survie n’est que de quelques années, le problème de la durabilité des prothèses était négligeable, celles-ci durant de toute manière plus longtemps que le patient. L’évolution vers une patientèle plus jeune et à risque intermédiaire ou faible oblige à connaître le taux d’attrition des bioprothèses à long terme [3]. Après RVA chirurgical chez les > 70 ans, on sait que 90% des bioprothèses n’ont aucun signe de dégénérescence à 15 ans [7]. Ces données manquent encore pour les TAVI, dont on sait seulement que le taux de dégénérescence à 5 ans est faible (1.4-9.7%) et ne requiert pas de sanction thérapeutique [3]. Dans une expérience de simulation de la fatigue chronique pour les bioprothèses, la durabilité des TAVI est de 7.8 ans et celle des RVA de 16 ans [26].
 
Les résultats tendent à s’améliorer constamment pour trois raisons. D’abord, le matériel se perfectionne et se simplifie, augmentant ainsi les chances de succès et facilitant l’intervention sous anesthésie locale, ce qui a la préférence des patients. Ensuite, la courbe d’apprentissage et l’expérience des opérateurs conduit à une accélération de la procédure et à une maîtrise perfectionnée de la technique. Troisièmement, la création d’équipes pluridisciplinaires prenant l’habitude de travailler ensemble permet à des centres dédiés dont la masse critique est importante d’obtenir des résultats fonctionnels et des survies de plus en plus élevés. Il est capital que ces équipes soient stables, car le changement fréquent de personnel dilue la courbe d’apprentissage et rompt l’homogénéité du groupe. Le concept de heart team composé du cardiologue clinicien, du cardiologue interventionnel, du spécialiste de l’imagerie, du chirurgien cardiaque, de l’anesthésiste cardiaque et de l’intensiviste en charge de l’unité postopératoire assure une étroite collaboration entre les différentes spécialités. Il est une clef fondamentale dans le succès des grandes séries [2,16,38]. Ainsi la mortalité à 30 jours s’est réduite de 6.3% dans les premiers essais cliniques à 2.2% avec les nouvelles prothèses, et le taux d’ictus est passé de 6.7% à 2.6% [38]. Toutefois, l'engouement pour le TAVI est aussi influencé par les effets de mode et par la volonté de conquérir des parts de marché pour la médecine interventionnelle. Le fait d'être dans la tendance du moment n'est pas une garantie de bien-fondé. Seules les données cliniques sur le long terme permettront de définir la place du TAVI dans l'arsenal thérapeutique de la maladie aortique, mais tout laisse à penser qu'elle ira en augmentant.  
 
 
 
Implantation non-invasive de valve aortique (TAVI) 
L’implantation percutanée (fémorale, sous-clavière, trans-aortique) ou transapicale (mini-thoracotomie) d’une bioprothèse aortique montée dans un stent métallique était réservée jusqu'ici aux malades âgés et à haut risque, dont la mortalité probable au cours d’un remplacement valvulaire aortique en CEC serait prohibitive (> 20%), mais dont l’espérance de vie est > 1 an. L'arrivée de dispositif plus performants et l'expérience acquise ces dernières années ont étendu l'indication à des patients à risque modéré; le TAVI devient une alternative moins invasive au RVA chirurgical. L’anatomie de la valve native doit correspondre aux exigences de la prothèse (tricuspidie, dimensions de l’anneau et de la racine aortique, distance des ostia coronariens). Si les accès vasculaires sont problématiques ou l’aorte trop athéromateuse, on préfère la voie transapicale. Les deux principaux types de valves montées sur cathéter sont la CoreValve™ et l’Edwards Sapien™. 
 
Le TAVI offre peu d’avantage en terme de survie à long terme par rapport au RVA en CEC, mais il améliore la situation clinique des patients à haut risque et diminue la mortalité opératoire d’environ la moitié (6% vs 12% dans les cas sévères); la mortalité globale est considérablement inférieure à celle du traitement médical (OR 0.39). L’incidence d’AVC (2-5%), de fuite paravalvulaire (8-15% de degré ≥ 2) et de pacemaker permanent (5% avec valve Sapien™, 31% avec CoreValve™) est plus élevée que lors de RVA ; or ces complications sont associées à une augmentation de mortalité.
 
Le TAVI est une technologie complexe. Elle fait partie d’une palette d’options thérapeutiques pour le patient souffrant de sténose aortique sévère, dont le choix relève d’un consilium entre cardiologue, interventionniste, chirurgien, anesthésiste et intensiviste. Mais les améliorations techniques et l’expérience clinique gagnée dans les grands centres permettent d’étendre progressivement les indications aux malades à risque intermédiaire, avec des résultats aussi bons que ceux du RVA en CEC.


© CHASSOT PG, BETTEX D,  Mars 2008, dernière mise à jour, Novembre 2019
 
 
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