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Conclusions

Le concept général d'épargne sanguine comprend de nombreuses mesures techniques et pharmacologiques visant à maintenir la masse érythrocytaire et plasmatique du patient, dont la transfusion n'est qu'un élément particulier (voir Tableau 28.3). L'anémie aggrave la mortalité et la morbidité postopératoires, mais sa correction par la transfusion tend à péjorer le pronostic. Il est donc impératif de conserver le sang autologue du patient par tous les moyens possibles. On peut schématiquement résumer la problématique du rapport risque/bénéfice de la transfusion sanguine en quatre énoncés.
 
  • En défaveur de la transfusion : risque de transmission infectieuses (1.105 – 0.5.106), risque d’accidents sévères (0.5‰) et d’incidents critiques (4‰), augmentation de l’incidence des infections nosocomiales et du SDRA, immunomodulation (TRALI, récidive cancéreuse), faible disponibilité, coûts élevés. Pour un individu sain, il n’y a pas de bénéfice à recevoir une transfusion lorsque l’Hb est supérieure à 70 g/L; le maintien d'un taux d'Hb > 90 g/L n'améliore pas le pronostic et les transfusions tendent même à l'aggraver.
  • En faveur de la transfusion : amélioration de la survie et de la morbidité chez les malades sévèrement anémiques, notamment lorsqu’ils souffrent de cardiopathies, de pneumopathies ou de polytraumatisme, et lorsqu’ils sont débilité ou âgés. Le seuil de transfusion (en moyenne : Hb 70 g/L) est plus élevé (80-90 g/L) en cas de souffrance des organes les plus sensibles (cœur, cerveau) et lors d'hémorragie massive.
  • L’indication à la transfusion est l’amélioration du transport d’O2; celui-ci n’est augmenté que dans la mesure où il était abaissé au préalable. Le critère de transfusion n'est pas fondé seulement sur une valeur d'Hb, d’autant plus que celle-ci est artificiellement abaissée par l’hémodilution (CEC), mais sur un ensemble de données physiologiques:
    • SaO2 < 90%, SvO2 < 50%, ScO2 abaissée de > 20% (bilatéral) ;
    • Sous-décalage du segment ST, BB, nouvelles altérations cinétiques segmentaires ;
    • Hb < 60 à < 90 g/L selon les cas ;
    • Hémorragie active ou massive ;
    • Tachycardie (peu importante sous anesthésie générale) ;
    • Hypotension (PAM < 75% valeur habituelle) (très liée à l’hypovolémie).
  • La gestion globale du sang du malade (Patient blood management) consiste à corriger l’anémie en stimulant la synthèse des érythrocytes, à préserver au maximum la masse sanguine par des moyens techniques et pharmacologiques, et à ne transfuser que lorsque les bénéfices attendus des concentrés érythrocytaires sont supérieurs à leurs risques. Cette stratégie implique de nombreux services (centre de transfusion, anesthésie, chirurgie, hématologie, urgences, soins intensifs) et réclame un appui institutionnel pour la formation du personnel concerné. Des protocoles sont établis pour des situations particulières (hémorragie massive, patients anticoagulés, etc) et les recommandations émises sont diffusées, appuyées et respectées par les différents départements. Des facilités techniques sont établies pour avoir accès rapidement à des facteurs de coagulation et à des paquets contenant 4-6 poches de sang, PFC et plaquettes en rapport fixe pour les hémorragies massives.
L’équilibre des avantages et des défauts de la transfusion lui confère une ambivalence clinique. Elle n'est bénéfique que si ses risques sont inférieurs à ceux de l'anémie. La triade funeste "hémorragie – anémie – transfusion" est un des principaux facteurs  de morbi-mortalité périopératoire. Afin de ne pas entrer dans cet engrenage, il s'agit premièrement d'aborder la chirurgie avec des réserves physiologiques normales (fer, globules rouges, facteurs de coagulation) et deuxièmement de limiter au maximum les saignements en cours d'intervention (stratégie multimodale d'épargne sanguine). Dans cette optique, la transfusion est soit un aveu d'échec, soit une nécessité face à la gravité de la situation.